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«Sunny» : IA-t-il un pilote dans l’avion ?

Variation sur le thème convenu de l’errance expatriée, la série Apple TV souffre de son aspect fourre-tout et d’une interprète peu convaincante.
Une parabole SF à la traîne où rien n’est vraiment avant-gardiste ni inquiétant. (AppleTV)
publié le 19 juillet 2024 à 18h22

Il y a quelque chose de bassement naturel à voir les plateformes de streaming produire autant d’histoires de bourgeois expatriés, comme si l’internationalisation de la fiction n’avait d’autre choix que de ressembler elle-même à un éternel Lost in Translation. L’image d’une vedette américaine en morne errance solitaire dans les foules anonymes d’un futur marché d’exportation asiatique devient une vision familière, synonymique du train-train des miniséries. Quelques mois après Nicole Kidman dans Expats, c’est Rashida Jones qui s’y attelle dans cette nouvelle série Apple TV +. Exilée kyotoïte, Suzie vient de perdre mari et enfant dans un crash d’avion et se voit livrer un petit droïde d’assistance domestique, Sunny, avec lequel elle va, passées les premières hostilités d’usage, se lier d’affection et entamer une enquête sur les troubles secrets professionnels du défunt époux, qui la conduira dans les poisseux souterrains d’un monde mafieux.

Mollement conforme à la «vague», ou plutôt au perpétuel clapotis de fictions sur l’intelligence artificielle qui pullulent depuis quelques années sur un spectre allant de Blanche Gardin à Gareth Edwards, Sunny se targue d’être à la fois un thriller paranoïaque, une comédie du deuil, une fable d’anticipation – bref d’avoir tous les goûts, c’est-à-dire évidemment aucun. Or l’hétérogénéité des registres est plutôt la bonne excuse d’une série pour rien (Pialat disait «les films que c’est pas la peine»), supposément fantaisiste, impudemment mélancolique, désastreusement ennuyeuse. Rashida Jones joue presque moins bien que le robot dont elle est flanquée dans la moitié des scènes : la série est le lieu d’une sorte de parodie d’effet Koulechov, avec une actrice de très faible carrure dramatique s’épuisant à faire des grimaces d’étonnement ou de colère à un emoji à roulettes à peine moins expressif.

La parabole SF, elle, est tellement à la traîne qu’elle fait plutôt l’effet d’une bulle de cocooning technologique, où rien n’est vraiment avant-gardiste ni inquiétant. Suzie baigne dans un monde d’interactions assistées numériquement, parfaitement fluides, enrobées de charme vintage (le look très Macintosh fin d’années 90 de Sunny). De son robot domestique aux implants auriculaires qui lui permettent de communiquer en japonais, se dessine plutôt moins une humeur dickienne ou asimovienne qu’un doux parfum de publicité Apple. Rien n’est plus cohérent.

Sunny sur Apple TV +. Disponible