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Série

«The White Lotus», pas bête et méchant

La série défouloir de Mike White se moque du désespoir des bourgeois en vacances et nous ravit par son humour grinçant.
Il y a un peu de Reiser dans ces portraits plein de méchanceté. (OCS)
publié le 24 juillet 2021 à 9h01

The White Lotus est une série de saison. Pas parce qu’il s’agit d’un de ces feuilletons d’été taillé pour occuper la grille de programmation de juillet-août, mais parce qu’au fond il dit ce que personne n’a envie d’entendre : on aura beau partir aussi loin que l’on peut pour fuir la grisaille du quotidien, filer se mettre les doigts de pieds en éventail sur une île paradisiaque, on ne chasse pas ses angoisses et névroses à coups de cartes d’embarquement. Il s’agit juste de composer avec elles dans un cadre neuf, et faire au mieux pour ne pas devenir celui qui ne respecte pas l’injonction des vacances : profiter.

Ton hystérique

Sur le bateau qui mène à un resort luxueux de Hawaï, deux jeunes filles de bonnes familles s’amusent à imaginer la vie des touristes qui les accompagnent. Snipers embusqués. Ce charmant petit couple qui sourit de façon trop appuyée au moment de faire un selfie ? «Ils viennent de se marier dans les Hamptons. Elle est dans la mode, ou le marketing. Il a été à l’université de Dartmouth, et travaille dans la finance internationale. Elle l’aime mais il a une petite bite.» La sexagénaire à chapeau assise seule non loin d’eux ? «La Brigitte Bardot américaine, elle adore les animaux, déteste les juifs.» Et puis il y a ce «couple de millionnaires à la tête d’un réseau pédophile» – en réalité les parents d’une des deux filles.

Le temps d’une scène introductive, The White Lotus pose le ton hystérique, méchant et égotiste qui servira de carburant à l’humour d’une série sur le désespoir des 1 %. Délicieuse manière de présenter des personnages en appuyant sur les a priori que véhiculent les corps de leurs acteurs, pour mieux les démonter ensuite, faire émerger une humanité, des clés qui expliquent sans justifier une obsession pour le surclassement d’une chambre d’hôtel… Pour mieux montrer, en réalité, qu’on n’avait pas si tort de nos préjugés ?

Cancer des testicules

Une semaine dans un paradis terrestre avec de riches et blancs américains venus s’y réfugier en famille, en couple ou en solitaire, voilà le programme de la série défouloir de Mike White pour HBO. Enfer cringe où l’on se délecte des attaques de panique d’un quinqua qui passe son temps à scruter son entrejambe persuadé qu’il a un cancer des testicules avant de saouler tout le monde avec sa renaissance lorsqu’un toubib lui apprend que tout va bien (mais…). Malaise suscité par son épouse, dirigeante accomplie de la Silicon Valley et modèle de réussite, qui démonte sa suite grand luxe pour en faire un espace feng shui afin d’y tenir des meetings Zoom sans froisser des employés avec sa vue sur l’océan. Trouble délicieux de voir ces deux parents insupportables s’emplafonner avec la culture woke de leur fille et la copine qui l’accompagne, aussi intelligentes que pleines de morgue et de mépris, guerrières de la tolérance qui ne pense qu’à leur tronche. Il y a un peu de Reiser dans ces portraits plein de méchanceté de ces gens qui, comme l’explique le maître d’hôtel passablement siphonné, crient «pour être vus, être traités comme de délicates petites choses, cet enfant unique et spécial qui accapare toute l’attention».

The White Lotus, série de Mike White. Sur OCS à partir du 12 juillet.