Tokyo dans l’œil de Michael Mann. Jusqu’au mot «Vice» qui complète le titre de la série, la rencontre semblait écrite. D’un côté, un cinéaste qui sait mieux que personne capter la nuit, faire sentir et exister un espace urbain (Chicago dans le Solitaire et Public Enemies, L.A. dans Heat et Collateral, la plaque tournante caribéenne dans Miami Vice…) ; de l’autre cette mégalopole fantasmatique, réservoir à images antagonistes de l’hypermodernité et du traditionalisme exotique. Comme attendu, la ville est de chaque plan tourné in situ : concrète, foisonnante, iconique et banale. Mais la vue est bloquée, obstruée par une silhouette qui bouffe le cadre. Celle de Jake, Américain dont le physique ressort d’autant plus vivement qu’il est immense, blond et que la caméra le regarde de très près.
Etrangeté
Cette transaction entre le plan, la ville et ce corps étranger qui vit en elle est le cœur de Tokyo Vice. Adaptation du premier livre autobiographique de Jake Adelstein, la série reprend le récit à la première personne de ce jeune gars du Missouri qui est devenu le premier Occidental à intégrer la rédaction d’un des plus grands quotidiens japonais, pour lequel il a couvert l’underworld – flics, yakuza, monde de la nuit. A la fascination naturelle qu’exerce chaque récit under cover s’ajoute ici un geste de prestidigitateur : comment pénétrer un espace secret et exclusif quand le visage de l’infiltré crie son étrangeté ?
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