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Libération
Critique

L’exposition «Sortir le travail de sa nuit» à Tours, sans grand soir

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Dépourvue d’audace, l’exposition du Centre de création contemporaine de Tours maintient étrangement les travailleurs qu’elle prétend montrer dans l’invisibilité.
«Liberté, Egalité, Fraternité», par Claire Fontaine (2018). Des gilets jaunes pendus à des hampes comme les étendards tricolores au frontispice des mairies. (Aurélien Mole)
publié le 22 mars 2024 à 3h16

Le titre, «Sortir le travail de sa nuit», augurait une exposition volontariste et engagée, disposée à mettre en lumière et au premier rang les travailleurs qui, pour être en première ligne, restent pourtant dans l’ombre. Las, l’exposition collective qui se tient dans les salles du Centre de création contemporaine Olivier-Debré de Tours aux cimaises entièrement peintes en noire, lambine, tergiverse trop et estompe la limpidité engageante de son intitulé, en choisissant des œuvres qui se fondent dans l’obscurité où sont maintenues les besognes invisibles.

Intérieurs vides et rideaux tirés

Le show se fait dès lors par trop timide, se tenant coi (et sage) dans des lieux à la noirceur désincarnée : les œuvres choisies évacuent bizarrement toutes, à des rares exceptions près, la représentation des travailleurs et les maintiennent au contraire dans une étrange invisibilité. C’est le cas dans la vidéo de Martin Le Chevallier, Clickworkers (2017) qui donne voix (artificielle) à des tâcheronnes du Net, chargées de cliquer ou de troller à tout-va, tout en ne montrant, en plan fixe, que des intérieurs vides et des rideaux tirés sur des chambres sans vue. On entend le récit d’un travail lancinant, exécuté entre les quatre murs de son propre domicile, qui exténue et afflige celles qui y sont astreintes. Sans, davantage qu’elles, en voir le bout.

Jeu d’optique éculé

Tout est comme ça dans l’expo, sans vie, sans force, sans corps à l’œuvre. Rien n’esquisse la moindre audace de renverser ce que «Sortir le travail de sa nuit» prétend