«Il faudrait construire partout dans le paysage des petites chapelles.» On tombe sur cette citation sans auteur dans la marge de notre cahier de reportage, devenue gribouillage délavé par la pluie. Pendant une nuit d’orage, on a dormi recroquevillée dans une de ces chapelles sans Dieu, «œuvre d’art-refuge» bâtie depuis peu le long du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Avant que le tonnerre ne fasse trembler les causses du Quercy (Lot), on s’est assoupie, jouant la sentinelle solitaire, sous l’un des ciels les plus étoilés du pays. Cachée dans cette double guérite sans porte, construite en pierre sèche à la manière des gariottes (abris traditionnels des bergers du Lot), on s’est sentie comme dans une grotte préhistorique, guettant le hululement étouffé des oiseaux et le bruissement des végétaux. Dehors et dedans en même temps, protégée de la nuit mais sentant tout de même son souffle caresser notre duvet avant que ce ne soit la pluie, on a attendu que le soleil se lève, enfin.
A 6 heures du matin (trempée, on a fini par dormir dans la voiture), le ciel est resté tristement bas mais une lumière orangée a coloré le chemin et, en contrebas, le dolmen et la croix. Apparemment, ce site, de tout temps terre spirituelle, aurait un magnétisme particulier. Sous le linteau de pierre qui relie les deux caselles, porte de temple païen positionné pour que le soleil, lors du solstice d’été, se couche en plein milieu de son cadre, on a deviné à l’horizon le Massif central.