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Libération
Film restauré

«Tasio» de Montxo Armendáriz : de haut en basque

Ressorti des limbes du ciné espagnol des années 80, le curieux film restauré sur un jeune charbonnier et braconnier témoigne de la fin d’un monde rural.
Patxi Bisquert dans «Tasio». (Tamasa)
publié le 26 avril 2025 à 13h22

Ayant bénéficié d’une restauration numérique (aux bons soins d’Il Cinema Ritrovato à Bologne), Tasio est une vraie curiosité ressortie des limbes du cinéma espagnol des années 80, très loin de l’esprit movida qui dans ces mêmes années propulse un certain Pedro Almodóvar aux avant-postes d’une fantaisie queer (Tasio date de 1984, date de Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? du réalisateur madrilène). Signé du Basque Montxo Armendáriz, ex-ingénieur et professeur d’électronique, le film est l’évocation d’un passé rural, d’une existence villageoise rustique à travers une figure masculine, récalcitrante à toute forme d’évolution ou de modernité. Tasio, en effet, que l’on découvre enfant et que l’on suit jusqu’à l’âge mûr, quitte très tôt l’école pour s’adonner à l’activité traditionnelle du charbonnier en forêt, le bois cuit lentement dans des meules de terres et de feuilles nommé Txondorra. Pratique séculaire et qu’il s’échine à perpétuer, refusant d’accompagner son meilleur ami à la ville quand celui-ci se résout à trouver du travail à l’usine ou en chantier. Le personnage braconne comme un perdu dans la forêt pour se nourrir ou tirer bénéfice de la revente des fourrures. De nombreuses scènes consistent en pillage d’oisillons dans les nids, de piégeage de petits animaux tous mignons ou défouraillage à la carabine de cerfs ou de sangliers.

Tout le film est assez étrange car on le regarde moins comme un potentiel classique qu’il était urgent de réévaluer qu’au titre d’un document d’époque sur la fin d’un monde, la douzaine de villages ayant servi de décors et pourvu l’équipe en divers accessoires paysans ayant probablement dans les années qui ont suivi le tournage accéléré leur inexorable mutation en zones résidentielles pour des vacances aux grands airs avec ses maisons de pierre restaurées et ses outils devenus objets de décoration. L’entêtement du héros dans sa sédentarité et sa volonté d’indépendance dessine un destin déphasé dont il est difficile de savoir s’il est ainsi perçu par le réalisateur, lui-même pris au piège d’une pieuse image de la fierté populaire. Le film est beau néanmoins par l’isolement dont il témoigne et la solitude artistique qui en définitive lui échoit.

Tasio de Montxo Armendáriz avec Amaia Lasa, Patxi Bisquert, Jose Maria Asin… 1h36