Il y a bien là quelques moutons, un troupeau de vaches, un seul chien, un cheval et de vagues silhouettes humaines, petites taches noires, rouges et blanches, si minuscules, qu’elles n’accrochent pas le regard. Dans les paysages touffus de Théodore Rousseau, ces êtres vivants finissent même par disparaître, négligeables, non sujets… Car ce que regarde le peintre, ce ne sont pas les hommes, à peine les bêtes. Ce que regarde Théodore Rousseau, ce sont plutôt les végétaux, les forêts, les clairières, les sous-bois, les lichens, les mousses, les pierres. Dans ses tableaux, il y a des collines, des prés, des mares, des lacs, des nuages, mais surtout des arbres : chênes grandioses, châtaigniers, hêtres, cerisiers, bouleaux squelettiques et même pommiers…
Promenons-nous dans les bois
«La voix de la forêt», la belle exposition que le Petit Palais consacre au peintre de Barbizon (Seine-et-Marne), ressemble à une promenade au grand air, car les troncs, les feuillages et les nuances de vert frémissent sous nos yeux. L’ouïe fine, Rousseau affirmait entendre les arbres «gémir». En tendant l’oreille, on perçoit donc ce «langage des forêts» tant la nature vibre organiquement sous son pinceau. Retrouver aujourd’hui ce peintre un peu oublié, mort moins de dix ans avant la première exposition impressionniste, c’est souligner son rôle précurseur dans la préservation des forêts. En 1853, Rousseau obtient gain de cause avec la création d’une réserve naturelle à Fontainebleau pour les promeneurs et les peintres.