Parti de France et de la plume d’André Breton, le surréalisme a essaimé dans le monde entier ou presque, encouragé par la puissance de l’Internationale communiste ou dispersé par la centrifugeuse de la Seconde Guerre mondiale. A l’occasion des 100 ans du Manifeste publié en 1924, Libé propose toute la semaine un tour du monde surréaliste à travers une collection d’objets, d’artistes et de pays.
En 1941, il fallait être visionnaire pour y voir clair dans les arcanes de la guerre soudainement devenue mondiale. Et avec cette ultime variante du jeu de tarot, le Jeu de Marseille, inventée par des artistes et poètes surréalistes ou apparentés, tous réfugiés politiques en zone libre, on fait de la géopolitique comme on joue aux quilles. C’est-à-dire, en déboulonnant. Dans cette réactualisation du jeu de tarot divinatoire, le génie, le mage et la sirène ont remplacé l’as, le roi et la dame. Et le valet, dévoué invisible de la sainte trinité, a tout bonnement foutu le camp, «déchargé de son rang subalterne». Le joker, lui, emprunte désormais ses traits au Père Ubu, le personnage ventripotent d’Alfred Jarry dont Breton admirait «l’humour comme processus permettant d’écarter la réalité en ce qu’elle a de trop affligeant».
Dans ce jeu qui rebat les cartes, seule l’opposition réglementaire du noir et du rouge opère encore, rehaussée ici et là de bleu et de jaune. Mais entre les mains fertiles des artistes réfugiés à la v