La haine: au lieu de déplorer la résurgence d'une violence atavique, il faut voir que c'est notre modernité elle-même, notre hypermodernité, qui produit ce type de violence, et ces effets spéciaux dont le terrorisme fait partie lui aussi. La violence traditionnelle est bien plus enthousiaste et sacrificielle. La nôtre est une violence simulée, au sens où, plutôt que de la passion et de l'instinct, elle surgit de l'écran, elle est en quelque sorte en puissance dans l'écran et dans les media, qui font semblant de l'enregistrer et de la diffuser, mais qui en réalité la précèdent et la sollicitent. Il y a comme partout ailleurs une précession des media sur cette violence comme sur les actes terroristes; c'est cela qui en fait une forme spécifiquement moderne, c'est cela aussi qui fait qu'il est impossible de lui assigner des causes véritables (politiques, sociologiques, psychologiques). On sent que toutes les explications de ce type sont défaillantes. De la même façon, le procès fait aux media de propager la violence par le spectacle et le récit de la violence n'a guère de sens. Car l'écran, surface virtuelle, nous protège assez bien, quoi qu'on en dise, des contenus réels de l'image. Du fait de la solution de continuité de l'écran (c'est comme pour l'économie virtuelle ou la classe politique, il n'y a pas d'enchaînement entre une violence spectacle et une violence de comportement. Ce contre quoi nous sommes sans défense, c'est la violence du medium lui-même, la violence du virt
TRIBUNE
Le degré Xerox de la violence
Article réservé aux abonnés
par Jean BAUDRILLARD
publié le 2 octobre 1995 à 9h41
Dans la même rubrique