Vous vivez entre l'Europe, où vous êtes né, et l'Amérique, où vous vivez. Cela vous rend-il plus sensible au débat autour de la mondialisation?
J'ai un double accent, en anglais en tant que français, et en français du fait de mes origines provençales. Je suis français mais j'ai des passions anglaises, la Bible, Shakespeare. Cette double dimension est une chance, et, en ce sens, je me sens préparé à la mondialisation. Je vis à Stanford, au coeur de la Silicon Valley, le premier «centre» high-tech de la mondialisation, où j'enseigne encore de temps en temps la littérature européenne classique. J'ai deux fils, l'un avocat, l'autre dans les affaires, qui circulent sans arrêt d'un bout à l'autre de la planète, c'est comme un mouvement irréversible. Je le vois même avec nos étudiants: il y a vingt ans, ils rentraient désarçonnés de leurs séjours en Europe, aujourd'hui, les différences ont presque disparu.
Votre thèse centrale repose sur le désir mimétique comme explication globale du conflit dans nos sociétés. Voyez-vous dans le phénomène de la mondialisation la confirmation de votre théorie philosophique du désir mimétique?
La mondialisation est le triomphe du désir mimétique. Prenons Halloween. C'est un rite païen, auquel le christianisme a substitué la fête de la Toussaint et le jour des Morts. Aux Etats-Unis, le rite anglais a subsisté comme fête folklorique et enfantine, et voilà que l'on tente de l'introduire en France, sans support traditionnel. La publicité est un autre grand vecteur du mimétisme: on n'essaie même plus de vous convaincre que tel produit est bon, mais juste qu'il est consommé par telle ou telle célébrité et que, donc, vous ne pouvez y échapper. Ce mimétisme s'exerce surtout vis-à-vis de la société américaine, à cause de sa puissance économique mais aussi de sa maîtrise des nouvelles technologies de communication. Les E