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Portrait

Book émissaire

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René Girard, 79 ans, écrivain et grand lecteur, explique la violence du monde par sa théorie du désir mimétique.
publié le 4 janvier 2003 à 21h38
(mis à jour le 4 janvier 2003 à 21h38)

C'est un homme qui lit, qui a lu, qui lira. Beaucoup. Toute sa vie. L'anthropologue René Girard fait penser au Bibliothécaire peint par Arcimboldo, la tête composée de livres. Emma Bovary, Julien Sorel, Don Quichotte, Job comme Jésus et les divinités des Védas et même le général Dourakine, il les connaît bien. Dans un décor clair, René Girard penche vers le photographe une belle tête de saint, creusée de rides, avec broussaille de sourcils. Il regarde franchement l'objectif, sans coquetterie. C'est un bel homme de 79 ans, élégant et souple. Etrangement mal connu en France. Le Dictionnaire des intellectuels français (Seuil) ne lui attribue pas plus de place qu'à Jacques Attali, BHL ou Bernard Kouchner. Ce spécimen d'humaniste est plus admiré aux Etats-Unis, par exemple, où les grands campus l'ont accueilli. Ou en Italie, où son oeuvre est superbement éditée, et commentée.

Il a pris de la distance, il y a un demi-siècle, aux Etats-Unis. Il est né à Avignon, le jour de Noël, comme Jésus. Il se prénomme René, Noël. Son père, Joseph, était conservateur du musée Calvet et du palais des Papes. Un chartiste, Joseph Girard, écrivain lui aussi. René a grandi dans ce palais où les plus grands personnages de la chrétienté, papes, cardinaux, empereurs, reines et rois, se sont rencontrés. «Ce qui me menaçait, dans ma jeunesse, c'était d'en être l'archiviste. C'est pourquoi j'ai fui à l'autre bout du monde», dit René Girard en riant. On l'imagine austère, il est gai. «Moi, je n'ai pas le go