Il ne faut pas bouder son plaisir : la mise sur orbite, mercredi 28décembre, de Giove-A, le premier satellite du système
par unefusée Soyouz (photo
[ Agence spatiale européenne ]
) est un
vrai succès de l’Union européenne
. Ce système depositionnement par satellites va
concurrencer le monopole américain duGPS à l’horizon 2010
-avec deux ans de retard sur le programme initial-et permettre à l’Union –et à ses partenaires non européens- d’acquérirson indépendance y compris dans le domaine militaire. C’est larépétition de ce que les Européens ont été capables de faire avec
et
Pour avoir suivi cette aventure depuis le début, jepeux dire que sans l’Union, Galileo n’aurait jamais vu le jour.
Le projet a été lancé en 1998, sous l'impulsion de la France qui, seule, n'avait absolument pas les moyens de se lancer dans une telle aventure. Elle a été immédiatement été appuyée par la Commission européenne, toujours friande de réalisations concrètes à haute valeur ajoutée, comme on dit ici. Mais, tout aussi rapidement, les Etats-Unis ont vu le danger et ont déclenché un tir de barrage particulièrement violent pour faire avorter le projet.
Ils ont failli y arriver à plusieurs reprises, notamment en décembre 2001 (Libération du 20 décembre 2001) lorsque le numéro 2 de la Défense américaine, Paul Wolfowitz, a écrit à ses homologues européens pour les mettre en garde contre les dangers que représenterait Galileo pour la sécurité du GPS américain. Selon lui, Galileo permettrait à des «forces ennemies» d'avoir accès aux applications militaires du GPS dans sa version modernisée prévue pour 2011. Un document émanant du gouvernement américain et destiné aux Etats membres taillait aussi en pièces une étude réalisée par un cabinet d'audit anglo-saxon (PriceWaterhouseCoopers) à la demande de la Commission qui concluait à la faisabilité et à la rentabilité de Galileo. « Ce rapport est défectueux, contient des erreurs fondamentales, des déclarations contradictoires, des affirmations erronées, des digressions imprécises et des conclusions confuses », estimaient notamment les Américains.
Des pressions tellement fortes que les pays européens les plus atlantistes (Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas et Danemark), auxquels se sont ajoutés les neutres (Suède et Autriche), tournaient casaques. Il a fallu toute la détermination de la commissaire aux transports de l'époque, la conservatrice espagnole Loyola de Palacio, et la mise à contribution de la machinerie communautaire, cette fabrique à compromis, pour convaincre les Etats membres de revenir à la raison : le projet a finalement été définitivement entériné le 26 mars 2002 par les Quinze de l'époque.
Mais il a encore fallu trouver les financements et surtout distribuer des cadeaux aux Etats membres,
chacun voulant avoir une miette de Galileo, considéré comme potentiellement créateur d’emplois (la France voulait le centre industriel à Toulouse, l’Allemagne un centre de contrôle en Bavière, etc). Il a fallu nommer un médiateur en la personne de l’ancien commissaire à la concurrence, le Belge
Karel van Mier
t, pour parvenir à mettre tout le monde d’accord. «
On peut se demander si un tel projet aurait encore sa chance aujourd’hui vu les divisions entre les Etats membres »
, a-t-il lâché un rien las à la fin de sa mission... Des négociations de marchands de tapis qui ne grandissent certes pas l’Europe mais qui existe aussi aux Etats-Unis : le Président pour arracher un accord du Congrès doit lui aussi arroser les différentes Etats.
Mais l’essentiel est là : l’Europe a fait un pas de plus vers son indépendance technologique vis-à-vis des Etats-Unis.