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Blog «Coulisses de Bruxelles»

Police de la pensée?

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La résolution  du Parlement européen sur l’affaire des caricatures de Mahomet, votée jeudi à Strasbourg, est d’une rare prudence, comme je l’annonçais. En un mot, tout le monde est renvoyé dos-à-dos : non aux violences, oui à la liberté d’expression –le contraire serait quand même étonnant. Mais, et ce bémol va bien au-delà de la volonté de calmer le jeu, à la stricte condition que cette liberté respecte les croyances de chacun ! En fait, le coeur des eurodéputés semble pencher du côté de l’in
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publié le 20 février 2006 à 20h25
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h15)

La résolution  du Parlement européen sur l'affaire des caricatures de Mahomet, votée jeudi à Strasbourg, est d'une rare prudence, comme je l'annonçais. En un mot, tout le monde est renvoyé dos-à-dos : non aux violences, oui à la liberté d'expression –le contraire serait quand même étonnant. Mais, et ce bémol va bien au-delà de la volonté de calmer le jeu, à la stricte condition que cette liberté respecte les croyances de chacun !

En fait, le coeur des eurodéputés semble pencher du côté de l’intolérance sous couvert de respect de l’autre. Ils affirment ainsi que «

les caricatures à l’origine des protestations n’encouragent pas le dialogue engagé par l’Union européenne pour établir des liens entre les cultures et les religions »

. Qu’est ce d’autre qu’une condamnation implicite de ces dessins? Dans leur élan, ils estiment aussi que la liberté d’expression «

devrait coexister avec la responsabilité personnelle et se fonder sur le respect pour les droits et les sensibilités des autres ».

Ils appellent donc «

à ne pas abuser de cette liberté en incitant à la haine religieuse, au racisme et à la xénophobie en vue de l’exclusion de personnes, quelles qu’elles soient, sur la base de leur origine ou de leurs convictions religieuses ».

Plus loin, encore, ils soulignent, à nouveau, que la liberté d’expression doit «

coexister »

avec les «

sentiments et (les) convictions religieux »

. Mieux, ils expriment leur

« sympathie à l’égard de ceux qui se sont senti offensés par les caricatures du Prophète Mahomet »

. Et ad libidum…

A la lecture de ce texte, on se demande si le Parlement européen, comme l'a fait prudemment le Conseil des ministres, n'aurait pas mieux fait de s'abstenir de réagir aux violentes manifestations anti-occidentale d'une partie du monde musulman. Car la résolution –votée par tous les groupes politiques- montre clairement que les catholiques, main dans la main avec les tenants du « politiquement correct », ont saisi l'affaire des caricatures de Mahomet pour essayer de limiter une liberté d'expression qu'ils n'ont jamais vraiment admise. Où commence, en effet, « le respect des sensibilités de chacun » ? La police de la pensée n'est pas loin. D'ailleurs, ce Parlement n'a pas hésité à demander, l'été dernier, à l'occasion du vote en première lecture du règlement « sur la loi applicable aux obligations non contractuelles », dit Rome II, la rédaction d'un « code de bonne conduite des médias ». C'est ce qui s'appelle avoir de la suite dans les idées, non ?