J’aime bien quand
[ Jacques Delors ]
s’énerve. Son « parler vrai » fait alors encore plus contraste avec le
langage compassé des Européens d’aujourd’hui. Celui qui a été l’un des pères de la relance communautaire -avec Helmut Kohl et François Mitterrand (le triangle magique)-, lorsqu’il était président de la Commission entre 1985 et 1995, s’en est pris violemment aux chefs d’Etat et de gouvernement mais aussi, implicitement, à son successeur.

, a-t-il déclaré dans un discours enregistré, diffusé aujourd’hui à Helsinki à l’occasion d’un colloque sur l’Europe et rapporté par l’Agence France Presse (
[ AFP ]
). «
Parce qu’il n’y a plus de vision de l’Europe, plus de vision partagée, plus d’aptitude au consensus et les citoyens, pas seulement en France et aux Pays-Bas, sont tellement perplexes voire parfois inquiets, que ces facteurs expliquent que nous courons le risque de voir l’édifice être altéré et même des pièces manquer ».
Et comme on va le voir une nouvelle fois lors du sommet de jeudi et vendredi, les « chefs » vont « essayer de montrer qu'ils sont d'accords sans discuter des vrais problèmes ». Il cite en particulier « l'avenir de l'espace économique et monétaire » européen. « Comment envisager des objectifs accessibles dans une Union à 25 et demain à 27, quel processus de décision nous permettrait d'agir mieux, d'aller plus vite ? » Il regrette que les coopérations renforcées soient de facto « interdites du débat public » ! « Si on avait attendu » que les douze Etats membres de l'Union, en 1991, soient d'accords pour faire la monnaie unique, « il n'y aurait pas d'euro aujourd'hui ». Il est vrai que l'on se demande pourquoi les pays qui réclament un « gouvernement économique et social » de la zone euro ne le font tout simplement pas entre eux, même à trois ou quatre, comme on l'a fait pour la libre circulation et la coopération policière avec Schengen (en 1990).
Un peu grandiloquent, mais est-ce un tort ?, Delors estime que «

. Au passage, il égratigné les « nonistes » : «
tous ceux qui ont voté non se rendent-ils compte de la façon dont le monde évolue ? Dans l’Histoire, il a fallu que les peuples s’adaptent à des changements, sinon c’est le déclin »
. Une obsession chez ce vieux sage européen que j’ai vu à l’œuvre entre 1990 et 1995 : tout son engagement européen se justifie non seulement par la consolidation de la paix mais aussi par le refus du « déclin » qui selon lui menace une Europe qu’il estime fatiguée par tant de conflits et qui a tendance à s’endormir sur ses acquis, à l’abri du grand frère américain.
<span>Décidemment Delors nous manque : quant on le compare à ses successeurs, et notamment à l'actuel Président de la Commission, José Manuel Durao Barroso, dont la seule obsession se résume à ne pas faire de vague, on en vient à regretter <em>« the good old days »</em>, comme on le dit aujourd'hui dans la langue de nos eurocrates…</span>