Les Vingt-sept vont-ils, pour une fois, nous surprendre ? Aujourd'hui, devant le Parlement européen réuni en session à Bruxelles, la ministre finlandaise des affaires européennes, Paula Lehtomaki, dont le pays exerce la présidence semestrielle de l'Union, s'est, en effet, engagée à évoquer l'assassinat d'Anna Politkovskaïa avec Vladimir Poutine. Il s'agit d'un « revers majeur pour la liberté d'expression en Russie (…) C'est un crime terrible et nous appelons les autorités russes à enquêter de fond en comble sur cette affaire ? Nous voulons que ses auteurs soient traduits en justice et ce sera un test particulièrement important de l'état de droit en Russie ».
Lors du débat qui a précédé,
Daniel Cohn-Bendit
(photo), le coprésident du groupe des Verts, a été le plus
virulent :
« l’un des coupables (de cet assassinat) dînera avec vous : Poutine ». « Ce que nous avons ici est l’un des plus dangereux système de persécution du monde et nous nous contentons de sourire »
, a-t-il ajouté. Il parie que
« nous avons tellement besoin de M.Poutine que nous ne lui poseront pas ces questions »
. Le Britannique
Graham Watson
, patron du groupe libéral, n’a pas été en reste. Il faut
« s’élever »
contre Poutine et les Européens ont des moyens de pression puisque les Russes «
ont besoin de nos marchés pour leur pétrole et leur gaz »
.
Face à l’émotion des opinions publiques, il semble donc désormais acquis que les chefs d’Etat et
de gouvernement aborderont,vendredi 20 octobre, cet assassinat avec Poutine. Un silence pudique -comme celui observé jusqu’à présent par les autorités communautaires, que ce soit le Président de la Commission, sa commissaire aux affaires extérieures ou encore le M. PESC- aurait du mal à être justifié. Le chef de l’Etat russe, n’en doutons pas, promettra de tout faire pour retrouver les coupables. De belles paroles qui permettront ensuite de passer aux affaires sérieuses, en l’occurence la conclusion d’un partenariat énergétique avec la Russie. L’Allemand Martin Schulz (photo), le président des socialistes européens, qui est sur la même ligne que le groupe conservateur du PPE-DE, l’a reconnu sans ambage : « nous devons parler de démocratie avec la Russie, mais nous devons être réalistes sur ce plan ». Le «réalisme», en politique internationale, c’est quoi? Regarder ailleurs quand il y a un coup d’Etat, un génocide, des massacres, une famine organisée? Le «réalisme», en 1950, cela aurait-il consisté à ne pas faire l’Europe car les peuples n’étaient pas prêts, comme le soutenaient les gaullistes et les communistes? Ca me rappelle un bien sympathique slogan de mai 68 : « soyons réalistes, demandons l’impossible ».