La Pologne va-t-elle bloquer l’ouverture des négociations d’un nouvel accord de
partenariat économique et énergétique entre l’Union européenne et la Russie, le 24 novembre ? Si elle maintient son veto, qu’elle a brandi la semaine dernière, elle sera totalement isolée.
« Personne ne soutient la Pologne »,
affirme un diplomate français. Contrairement à ce que certaines informations, largement répercutées en Pologne ont laissé croire la semaine dernière, le gouvernement polonais ne peut pas compter sur la bienveillance française. Paris, pas plus que l’ensemble des partenaires européens de la Pologne, ne veulent d’une crise avec la Russie. Il est donc plus que probable que Varsovie cèdera, tant il est vrai qu’un pays ne peut bloquer à lui seul l’ensemble de l’Union sauf à en payer un lourd prix diplomatique. Certes, la Grande-Bretagne ou la France l’ont déjà fait dans le passé, mais la Pologne ne pèse pas du même poids…
La France est même carrément furieuse que Varsovie ose remettre en question les conclusions du Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de Lahti, du 20 octobre dernier, en exigeant que la Russie ratifie la Charte européenne de l'énergie. « Tout le monde a bien compris que pour Vladimir Poutine une telle exigence était inacceptable », rappelle le diplomate français déjà cité. « La Charte, ce sont des règles que nous nous sommes fixées pour nous-mêmes. Exiger que les Russes les reprennent à leur compte sans discussion, c'est de l'unilatéralisme et de cela Moscou ne veut pas. C'est pour cela qu'on a décidé de faire des principes de la Charte un élément du futur accord de partenariat qui comprendra des contreparties qui les rendront acceptables par les Russes ».
Autrement dit, les partenaires de Varsovie l’accusent de remettre en cause les conclusions d’un Conseil européen, ce qui, dans l’échelle communautaire, est d’une rare gravité. Les pays Baltes et la Hongrie, qui étaient eux aussi tentés par cette remise en cause de Lahti, ont finalement choisi de ne pas suivre la Pologne sur ce point. Les Etats membres espèrent donc qu’elle finira pas se ranger à la raison européenne :
« mais ça n’est pas simple de négocier avec les Polonais en ce moment »
, raconte un diplomate européen.

.
Alors, la Pologne a-t-elle déclenché une crise pour rien ? Je ne le crois pas. Même si le gouvernement des frères Kaczynski n’a pas bonne réputation –et à juste titre-, même si tout le monde le soupçonne de faire un coup de politique intérieure en vue du second tour des élections municipales, i
l joue néanmoins un rôle utile de « mauvaise conscience » européenne face à l’ancien empire soviétique que la plupart des dirigeants de l’Union voudrait faire passer pour un pays comme un autre.
Ce qu’il n’est pas. Ainsi, il a fallu cette menace de veto pour que l’on découvre que
la Russie imposait depuis un an un embargo sur les produits agroalimentaire polonais
pour des raisons phytosanitaires (400 millions d’euros annuels de perte), ce que la Commission a soigneusement caché. Mais il est vrai que son tropisme moscovite est le fidèle reflet de celui du Président de la République française, Jacques Chirac, ou de la Chancelière allemande, Angela Merkel,.
, reconnaît-on désormais à Paris.
« Le dossier polonais est solide. Mais il faut en faire un point de l’ordre du jour du sommet UE-Russie, pas un point de blocage »
, estime ainsi un diplomate français.
L'exécutif s'est donc réveillé comme par miracle en envoyant, en fin de semaine dernière, une mission de vétérinaires sur place afin de vérifier que les problèmes phytosanitaires invoqués par les Russes étaient réglés. « Il faut dire les choses comme elles sont », souligne un diplomate européen : « il s'agit d'un embargo purement politique fait pour emmerder les Polonais. Les Russes sont gonflés d'invoquer des questions phytosanitaires alors que leur pays ne respecte aucune norme européenne ! » Désormais, la Pologne ne sera plus seule face à la Russie sur ce point puisqu'elle a réussi à communautariser son problème, ce qui est déjà bien joué !
Mais, et c’est cela le point important, Varsovie aura réussi à mettre une nouvelle fois en lumière la complaisance coupable de l’Union à l’égard du nouveau maître du Kremlin. Déjà, lors du sommet de Lahti, j’ai
[ révélé ]
ici que le dîner avec Poutine s’était mal passé contrairement à ce qu’affirmaient en cœur les dirigeants européens. Le fait que l’Union soit dépendante du gaz et du pétrole russe n’excuse pas cette attitude « munichoise », tant il est vrai que les pays autoritaires ne respectent que la force. La Russie a d’ailleurs montré une nouvelle fois son vrai visage en réagissant à la menace de veto polonaise avec sa brutalité habituelle. Le représentant de Vladimir Poutine pour les relations avec l’Union,
Sergueï Iastrjembski
, a ainsi stigmatisé une Pologne frustrée d’avoir «
et, dans l’élan, il a menacé de lui couper les livraisons énergétiques pour Noël. C’était de l’humour, paraît-il… Une morgue digne d’un ancien pays colonisateur qui ne se remet pas d’avoir perdu son Empire.
Le seul argument recevable de la France, dans cette affaire, est que le cavalier seul de la Pologne affaiblit le système européen en faisant apparaître au grand jour ses failles et sa fragilité : « quand quelqu'un ne joue pas le jeu, cela ne fonctionne plus », souligne-t-on à Paris. Et cela pourrait servir de prétexte à Poutine pour ne pas jouer le jeu du multilatéralisme. Après tout, les Russes ont toujours préféré privilégier les relations bilatérales tant il est vrai qu'il est plus facile de négocier avec des pays isolés qu'avec un ensemble de 460 millions de personnes. Mais l'argument ne vaudra que si la Pologne maintient son veto. En revanche, le coup aura été bien joué si, au final, elle accepte que les négociations avec la Russie s'ouvre en obtenant la levée de l'embargo russe. Varsovie aura une nouvelle souligné que la Russie n'est pas –encore- un pays comme un autre et les frères Kaczynski réussi un joli coup de politique intérieure en montrant leurs muscles…
(photo des frères Kaczynski: DPA)