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Libération
Blog «Coulisses de Bruxelles»

La Pologne imprévisible?

L a Pologne a maintenu son veto : l’Union européenne n’a donc aucun mandat pour négocier un nouvel accord de partenariat et de coopération avec la Russie (mon article dans Libération). Ce futur traité visait, en particulier, à assurer une sécurité des approvisionnements énergétiques des Vingt-cinq et un accès au marché russe. Néanmoins, le sommet avec la Russie, qui a lieu ce vendredi, à Helsinki, est maintenu. On imagine sans peine le malaise du Premier ministre finlandais, Matti Vanhanen, du p
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publié le 23 novembre 2006 à 20h13
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h15)

L

a Pologne a maintenu son veto : l’Union européenne n’a donc aucun mandat pour négocier un nouvel accord de partenariat et de coopération avec la Russie (mon

dans Libération). Ce futur traité visait, en particulier, à assurer une sécurité des approvisionnements énergétiques des Vingt-cinq et un accès au marché russe. Néanmoins, le sommet avec la Russie, qui a lieu ce vendredi, à Helsinki, est maintenu. On imagine sans peine le malaise du Premier ministre finlandais, Matti Vanhanen, du président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, et du Haut Représentant de l’Union pour la politique étrangère, Javier Solana, qui vont se retrouver les mains vides face à un Président russe, Vladimir Poutine, qui ne va pas se priver de les charrier sur l’inconséquence et l’impréparation des Européens. Sergueï Iastrjembski, son représentant spécial pour les relations avec l’UE a donné un avant-goût du message que va délivrer Poutine en déclarant tout à l’heure :

« la position de la Pologne mine la confiance dans l’Union européenne »

. Sous-entendu : l’UE n’est pas un partenaire sérieux.

En poussant le bouchon trop loin, les jumeaux Kaczynski se sont totalement isolés. Pourtant, ils avaient réussi à « communautariser » l’embargo russe sur les produits agroalimentaires polonais. Barroso a ainsi estimé, à la suite d’une mission éclair des services vétérinaires de l’Union en Pologne, que cet « embargo est disproportionné », reconnaissant ainsi qu’il est surtout destiné à faire sentir aux Polonais qu’ils restent dépendants de la Russie. La présidence finlandaise de l’Union a même proposé que l’Union affirme clairement dans le mandat de négociation avec Moscou que les négociations seront suspendues si, dans les 50 jours, les Russes n’avaient pas levé leur embargo.

En dépit de cette sympathie européenne, certes un tantinet obligée, Varsovie est

demeurée inflexible en faisant de la levée de l’embargo un préalable alors même qu’il est de notoriété qu’il est largement contourné... Cela confirme qu’il s’agit bien d’un coup de politique intérieure : le second tour des élections municipales a, en effet, lieu dimanche… Les jumeaux Kaczynski ne voulaient pas céder avant cette date de peur de perdre les bénéfices espérés de leur coup d’éclat.

Le problème est que Varsovie, en refusant de transiger, a affaibli l’Union qui se révèle incapable de parler d’une seule voix. La crise est grave puisque c’est la première fois que l’Union ne parvient pas à se doter d’un mandat de négociations alors même que c’est elle qui souhaite cet accord. Moscou n’a, en effet, jamais caché sa préférence pour des négociations bilatérales : il est plus facile de

négocier avec vingt-cinq petits pays qu’avec un ensemble continental. De ce point de vue, on peut même considérer que la Pologne rend un signalé service à Poutine. Pour montrer à quel point elle méprise l’Union, la Russie a fait monter les enchères en menaçant aujourd’hui d’étendre son embargo agroalimentaire à l’ensemble de l’Union à compter du 1er janvier, date d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union : elle estime que les problèmes de peste porcine et d’abattoirs non conformes dans ces deux futurs Etats membres menacent la santé de ses citoyens…

<strong>Bref, la Pologne, en négociant en dépit du bon sens, est passée du statut de pays sachant défendre ses intérêts à celui de partenaire imprévisible. Ou comment transformer un succès individuel en déroute collective.<br/><br/></strong>

(la première photo est celle de la gare d’Helsinki)