En 1806, Napoléon décrétait la dissolution du
Saint Empire Romain Germanique
fondé en 962. Ce bicentenaire ne doit pas dissimuler un autre anniversaire, celui de la
« Bulle d’or » de 1350
, nous rappelle Pierre Monnet, directeur d’Etude à l’EHESS, dans un article passionnant publié par ma revue fétiche,
[ l’Histoire ]
dans son numéro de décembre. Cette « Bulle d’or » ou
« lex imperialis seu statutum »
est en fait la loi fondamentale du Saint Empire rédigée par le roi des Romains et empereur
, roi de Bohême. Il s’agissait de fixer les règles de l’élection de l’Empereur,
« un homme juste, bon et capable »
, porteur des trois couronnes de Germanie, de Bourgogne (Franche-Comté et Alpes) et d’Italie (du nord).
Ce texte, qui s'ouvre sur un rappel des Evangiles (« tout royaume divisé en lui-même est promis à la désolation ») organise l'élection au scrutin majoritaire (mais oui) de l'Empereur par un collège restreint de sept princes (puis neuf à partir du XVIIème siècle avec la Bavière et le Hanovre) : les archevêques de Trèves, Cologne et Mayence, le compte palatin, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg et le roi de Bohême. Cette royauté élective rompt avec la pratique originelle du Saint Empire et surtout avec le principe héréditaire et dynastique qui devient partout la règle en occident. La « Bulle d'or » prévoit que les princes électeurs devront parler l'allemand, le latin, l'italien et le slave « pour ce qu'elles sont les langues les plus usuelles et nécessaires dans l'Empire ». Cette Constitution organise aussi l'éclatement des lieux de pouvoir : l'élection a lieu a Francfort, le couronnement à Aix-La-Chapelle et la diète impériale ou Reichstag se réunit à Nuremberg.

», conclut l’auteur de l’article.
Dans « l'Europe est-elle née au Moyen-Âge » (Seuil), le médiéviste Jacques Le Goff rappelle un autre fait historique méconnu qui mérite d'être rappelé : la rédaction, en 1464, par Georges Podiebrad, roi de Bohême et hussite modéré, d'un projet de « Traité de la paix à faire dans toute la chrétienté ». Dans l'espoir que « de telles guerres, rapines, troubles, incendies et meurtres, qui ainsi que nous rapporterons hélas avec tristesse ont assailli la Chrétienté elle-même de toute part et par lesquels les campagnes sont dévastées, les villes pillées, les provinces déchirées, les royaumes et les principautés accablés d'innombrables misères, cessent enfin et soient complètement éteints et que l'on revienne à un état convenable de charité mutuelle et de fraternité au moyen d'une union louable ». Le but de ce projet est donc clairement, comme le dit Le Goff, « le renoncement à la guerre entre les Etats européens ».
<em>« Il prévoit, écrit Le Goff, dans les cas de conflits entre les membres de l'assemblée l'intervention d'une force commune européenne d'arbitrage. Il réclame un lieu propre comme site de l'assemblée. Il souhaite que l'assemblée originelle puisse recevoir de nouveaux membres chrétiens. Il propose la création d'impôts et de moyens financiers spéciaux pour subvenir aux frais de l'assemblée. Il propose que des assemblées de cinq ans se tiennent successivement dans diverses villes européennes (…). Il appelle encore à l'institution d'un blason commun, d'un sceau, d'un trésor, d'archives, d'un syndic, d'un procurateur fiscal et de fonctionnaires. Il propose l'attribution d'une voix à chaque « nation » (France, Germanie, Italie, éventuellement Espagne, etc). Les décisions se prendront à la majorité des voix »</em>. Ce magnifique projet, bien qu'il ne parle pas de <em>« concurrence libre et non faussée </em>» n'a pas connu le moindre début de réalisation.