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Libération
Blog «Coulisses de Bruxelles»

L’euro inflationniste ?

Le principal reproche fait à l’euro par les citoyens européens –mais surtout français- est d’avoir favorisé un dérapage généralisé des prix. Tout le monde a bien vu le prix de la baguette et du café au comptoir s’envoler lors du passage à l’euro fiduciaire en janvier 2002 et, aujourd’hui, au restaurant, trouver une bouteille à moins de 20 euros (132 francs !) relève de l’exploit ou du mal d’estomac garanti. Et pourtant, ces dérapages avérés ne se retrouvent pas dans l’indice des prix pas plus
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publié le 31 janvier 2007 à 20h43
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h15)

Le principal reproche fait à l’euro par les citoyens européens –mais surtout français- est d’avoir favorisé

un dérapage généralisé des prix. Tout le monde a bien vu le prix de la baguette et du café au comptoir s’envoler lors du passage à l’euro fiduciaire en janvier 2002 et, aujourd’hui, au restaurant, trouver une bouteille à moins de 20 euros (132 francs !) relève de l’exploit ou du mal d’estomac garanti. Et pourtant, ces dérapages avérés ne se retrouvent pas dans l’indice des prix pas plus que dans les recettes TVA de l’Etat… Comment expliquer ce mystère ?

La Banque de France y répond dans une note, la première du genre (vous pouvez la télécharger ici). Il s'agit du premier numéro d'une série intitulée « documents et débats » à parution irrégulière dont le but est d'alimenter la réflexion publique sur des dossiers d'actualité en publiant des données fiables.

On y apprend que l'indice des prix a augmenté de 0,2% lors du passage à l'euro, en janvier 2002 et que « le saut a été particulièrement fort pour les produits à faible prix en raison des effets d'arrondi : +6% en moyenne pour le café servi en salle d'août 2002 à avril 2002 ». Mais cette poussée inflationniste « est restée temporaire et l'inflation est vite revenue à son rythme antérieur ». Pourtant, note la Banque de France, « au même moment, un décrochage se produit dans la perception des Français qui ont l'impression que l'inflation augmente brutalement ». Surtout, alors que « dès 2003-2004, l'inflation perçue décline dans la plupart des autres pays européens et retrouve ainsi en Allemagne un niveau cohérent avec celui de l'inflation mesurée », en France, on continue « à percevoir, aujourd'hui encore, une inflation très supérieure à la réalité » : les Français sont persuadés qu'elle est plus du double de l'inflation réelle.

Pourquoi un tel écart ? La Banque de France livre toute une série d’explications : la difficulté de juger les prix en euros (la conversion des francs en euros est compliquée), l’extrême sensibilité des consommateurs aux produits qu’ils achètent tous les jours, comme les produits alimentaires qui augmentent fréquemment, et non des biens d’équipements qui, eux, baissent de plus en plus rapidement (bienfait de la mondialisation aidant…), restrictions législatives de la concurrence dans la grande distribution, augmentation des bas salaires dans la restauration, explosion de certains prix réglementés (+54% pour le tabac entre décembre 2001 et 2004, +2,8% par an pour les transports ferroviaires), reprise du secteur immobilier, etc.

Enfin, pour la Banque de France, <strong><em>« tous les Français ne subissent pas la même inflation. L'indice reflète les dépenses d'un ménage moyen, mais les dépenses de tous les ménages ne sont pas identiques »</em></strong>. La situation de chacun varie en fonction de son salaire, de son logement, de son lieu de résidence, de la composition de sa famille, etc. <em>« Depuis 1996, 40% des ménages auraient subi une inflation plus forte que l'indice, 40% une inflation équivalente à l'indice et 20% une inflation inférieure. Ces écarts peuvent alimenter l'impression d'une inflation générale plus élevée »</em>. Un dernier conseil que ne livre pas la Banque: arrêtez de laisser des pourboires de 50 cents (3,30 francs) au comptoir... 5 ou 10 cents sont amplement suffisants.

(photo: hyper inflation en Allemagne, en 1923. Un dollar valait 100.000 marks)