Si le candidat de l’UMP est élu Président de la République, la France sortira de l’euro.
C’est du
moins ce que l’on peut comprendre à la lecture de son
[ discours ]
prononcé hier soir à Lille. Nicolas Sarkozy s’est, en effet, livré à une énième charge contre la monnaie unique, ne cessant de lui trouver de nouveaux désavantages. Tout être censé ne peut en conclure qu’une chose : il faut revenir vite fait au franc afin de permettre à la France de renouer avec la félicité monétaire et la croissance.
Cette fois, Sarkozy a innové en expliquant que l'euro était responsable de la stagnation du pouvoir d'achat. D'une part, parce que le passage à la monnaie unique, en janvier 2002, a entraîné une hausse des prix. D'autre part, et celle-là je ne l'avais pas encore entendu, parce que « si les salaires sont trop bas, c'est parce que l'Euro est trop cher et que lorsque l'Euro est trop cher les entreprises pour être compétitives essayent de se rattraper sur les salaires ».
J’ai déjà
[ démontré ]
sur ce blog que le premier argument ne tenait pas la route. Sur le second, insistons encore une fois sur le fait que la surévaluation de l’euro (1,33 dollar) doit être relativisé, notamment lorsque l’on prend en considération non pas le seul dollar mais un panier comprenant l’ensemble des devises avec lesquels l’Union entretient des rapports commerciaux. Surtout, Sarkozy ignore totalement son histoire monétaire: l’euro n’a cessé de baisser depuis janvier 1999, date de son introduction (à 1,17 dollar) pour atteindre son cours le plus bas en septembre 2000, à 0,82 dollar. Il ne reviendra à parité avec le dollar qu’en juillet 2002 et ne retrouvera son cours de lancement qu’en mai 2003. Il fluctue depuis le dernier trimestre 2004 dans une fourchette comprise entre 1,25 et 1,35 dollar. Or, si l’explication de Sarkozy tenait la route –en imaginant que la problématique soit la même pour les secteurs exposés à la concurrence internationale et ceux qui en sont protégés-, la contraction du pouvoir d’achat ne serait due à l’euro que depuis 2005. Avant, la faiblesse de la monnaie unique aurait dû jouer en faveur des salaires. Ce n’est pas le cas ? Comme c’est curieux.
Sarkozy n’a pas non plus manqué de resservir son couplet réchauffé sur les Etats-Unis, la Chine et le Japon qui manipuleraient le cours de leur monnaie afin de la maintenir artificiellement bas. Il propose de faire la même chose avec l’euro. Comment ? Mystère, comme toujours. Imaginons même que la Banque centrale européenne ait le pouvoir de manipuler le cours de l’euro (rappelons encore une fois que le différentiel de taux d’intérêt entre la zone euro -3,75%-et les Etats-Unis -5,25%- devrait jouer en faveur du dollar et donc le faire monter) et se plie à l’injonction de Sarkozy, que ferait l’Amérique, la Chine, le Japon si l’on suit sa logique ? Ils joueraient eux aussi leur monnaie à la baisse. Donc, tu baisses le dollar, je baisse l’euro. Je rebaisse le dollar, je rebaisse l’euro, etc. Ca n’a aucun sens ? Je ne vous le fais pas dire.
Sarkozy, depuis le début de la campagne, n’a pas été capable de dire en quoi la monnaie unique était positive pour l’Union. Soufflons lui un avantage de ce bouclier: si le franc existait encore, un tel déluge de contrevérités et d’approximations de la part d’un prétendant à l’Elysée aurait déjà déchaîné une grave crise monétaire dont la principale victime aurait été le franc. Là, il aurait obtenu une monnaie faible, même très faible…. Cette focalisation sur la parité euro-dollar est étonnante, sachant que près de 90% de la zone euro se fait au sein de la…zone euro !
Pourquoi ne pas parler plutôt du pétrole qui a, lui, vraiment flambé, passant de moins de
15 dollars le baril en 1999 à près 60 dollars aujourd’hui après un pic, en 2006, à plus de 75 dollars ! Depuis 2004, la facture pétrolière de la France a tout simplement doublé ! Grâce à la parité avantageuse de l’euro, nous ne payons le baril « que » 43,20 euros et non 57,5 si l’euro était à parité avec le dollar. L’envolée du prix du pétrole voilà qui a grevé le pouvoir d’achat des ménages. Mais sans doute Sarkozy a-t-il plus d’amis dans le Golfe qu’à Francfort. Autre contradiction du candidat UMP : comment peut-on à la fois dénoncer l’euro inflationniste et l’objectif principal de la BCE qui est d’assurer la stabilité des prix ? C’est l’un ou l’autre, mais pas les deux. Enfin, comme le fait remarquer justement Joaquin Almunia, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires (un socialiste espagnol...), dans un article publié par Le Monde, «la zone euro a une blance commerciale en équilibre et une balance des services excédentaire. La France, il est vrai, voit sa balance commerciale se dégrader. Cependant, contrairement aux idées reçues, elle s’améliore vis-à-vis des Etats-Unis -en hausse de 60% depuis 2000-, alors qu’elle se dégrade vis-à-vis de la zone euro et en particulier par rapport à l’Allemagne, avec laquelle elle partage la même monnaie».
Sarkozy n'étant pas totalement idiot, il a reconnu à Lille, et c'est une première, que « la France seule ne peut pas influencer toute seule la politique monétaire de la BCE ». Que veut-il alors ? « Il nous appartient à nous Français de déclencher ou non une offensive diplomatique pour obtenir de nos partenaires qu'ils fassent pression sur la BCE et surtout pour que l'on mette en place un véritable gouvernement économique de l'Europe face à une banque centrale qui ne peut pas continuer à n'avoir de comptes à rendre à personne. »
<strong>Mais pourquoi autant de rodomontades si c'est pour en arriver à cette proposition de bon sens, le renforcement du gouvernement économique de la zone euro que beaucoup s'accordent à considérer comme faible ? Pourquoi dépeindre l'euro comme étant responsable de tous nos maux si c'est pour garder cette monnaie ? Pourquoi jouer avec la confiance des citoyens dans leur monnaie sachant que l'un des moteurs essentiel de la croissance est justement la confiance? Deux mots me viennent à l'esprit : irresponsabilité et opportunisme. </strong>
(photo de Nicolas Sarkozy : Damien Lafargue)