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Libération
Blog «Coulisses de Bruxelles»

L’Allemagne menace la Pologne

L’entêtement des jumeaux Kaczynski a eu raison de la patience d’Angela Merkel. Elle menace la Pologne de convoquer une Conférence intergouvernementale (CIG) en se passant de son accord, ce qui est juridiquement possible. Une décision qui a un précédent : en juin 1985, à Milan, les Douze de l’époque avaient décidé de passer outre à l’opposition de Margaret Thatcher qui ne voulait pas négocier ce qui allait devenir l’Acte Unique, le volet institutionnel du Marché unique. La Dame de fer était fura
publié le 23 juin 2007 à 0h17
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h14)

L’entêtement des jumeaux Kaczynski a eu raison de la patience d’Angela Merkel. Elle menace la Pologne de

convoquer une Conférence intergouvernementale (CIG) en se passant de son accord, ce qui est juridiquement possible. Une décision qui a un précédent : en juin 1985, à Milan, les Douze de l’époque avaient décidé de passer outre à l’opposition de Margaret Thatcher qui ne voulait pas négocier ce qui allait devenir l’Acte Unique, le volet institutionnel du Marché unique. La Dame de fer était furax, mais elle n’a rien pu faire.

« La chancelière allemande veut prendre au sommet une décision sans la Pologne. La présidence allemande veut maintenant obtenir un mandat commun des 26 autres pays pour une conférence intergouvernementale »

, a ainsi déclaré dans la soirée Ulrich Wilhelm, le porte-parole de la chancelière.

Alors qu’une proposition de compromis était sur la table, peu après 20 heures, le Premier ministre polonais, Jaroslaw Kaczynski, réputé plus dur que son frère, Lech, le Président de la République qui négocie au Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement depuis jeudi soir, a annoncé en direct à la télévision publique qu’il rejetait le compromis sur le système de vote au Conseil des ministres que lui propose Berlin.

« Nous avons rencontré un mur, on ne peut pas céder tout le temps »

, a-t-il martelé.

« Le manque de toute volonté de compromis de nos partenaires est très clair et je crains qu’il ne puisse y avoir 0621_sommet_09 aucune porte de sortie »

, a-t-il ajouté :

« ou bien le président parviendra à ce que les négociations se terminent par une solution équivalente au système de la racine carrée, ou bien il devra prendre la décision sur l’absence de notre accord »

.

« C'est un problème entre Varsovie et Berlin », estimait-on du côté français. Même si Nicolas Sarkozy s'est de nouveau impliqué dans la recherche d'un compromis, en compagnie de Tony Blair, beaucoup de délégations affichaient leur indifférence face à ce problème : « n'importe quel système nous convient ». Car il ne faut pas sous-estimer la volonté allemande de conserver le vote à la double majorité (55% des Etats représentant 65% de la population) qui lui permet de peser de tout son poids au sein du Conseil des ministres alors qu'elle domine déjà le Parlement européen.

Cela étant, le gouvernement polonais a perdu beaucoup de sympathie de la part de ses partenaires lorsque les propos de Jaroslaw Kaczynski sur l'Allemagne, tenus sur une radio polonaise, mardi, ont été diffusés à Bruxelles :  « sans 1939-1945, la Pologne serait aujourd'hui un pays de 66 millions d'habitants ». Le chef du gouvernement hongrois Ferenc Gyurcsany a déclaré que  « nous devrions tous comprendre qu'il n'y a pas de stratagème pour remonter dans le passé, et la majorité des leaders de l'UE partagent cette opinion (…) Il y a deux approches face à un tel traumatisme: demander réparation pour le passé dans le présent, et tirer les leçons du passé: cette dernière solution est la plus désirable ». Il faut « éviter absolument de donner l'impression que l'accord actuel puisse être une sorte de compensation ». Hans-Gert Pöttering, le président du Parlement européen, s'est contenté de faire part de sa tristesse. « Ces déclarations ne devraient plus être proférées » au XXIème siècle.

Reste que la Tchéquie, la Lettonie, la Grande-Bretagne et la France se sont opposées à la méthode forte. Ils veulent continuer à négocier. La séance plénière a repris à minuit. Au moment où je termine ce post, de nouvelles rumeurs de compromis circulaient...

(photos: Thierry Monasse)