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Libération
Blog «Coulisses de Bruxelles»

L'Italie prête à mourir pour un eurodéputé de plus...

Le Parlement européen a adopté, tout à l’heure, par 378 voix contre 154 (et 109 abstentions) la nouvelle répartition des sièges de députés entre les États membres. « 60 % des présents, 70 % des exprimés, c’est une majorité incontestable », se réjouit Alain Lamassoure, l’un des deux rapporteurs de ce projet. Parmi les votes contre, la plupart des Italiens qui ont fait primer « l’intérêt national » sur les clivages politiques : ils n’acceptent pas de n’avoir plus que 72 sièges derrière la Grande-B
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publié le 11 octobre 2007 à 18h46
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h14)

Le Parlement européen a adopté, tout à l’heure, par 378 voix contre 154 (et 109 abstentions) la nouvelle répartition des sièges de députés entre les États membres.

« 60 % des présents, 70 % des exprimés, c’est une majorité incontestable »

, se réjouit Alain Lamassoure, l’un des deux rapporteurs de ce projet. Parmi les votes contre, la plupart des Italiens qui ont fait primer

« l’intérêt national »

sur les clivages politiques : ils n’acceptent pas de n’avoir plus que 72 sièges derrière la Grande-Bretagne (73) et la France (74). Résultat : ils se retrouvent aux côtés des Polonais du PIS, le parti des jumeaux Kaczynski, de l’extrême droite et des eurosceptiques, des conservateurs britanniques, de la moitié du groupe communiste. Curieusement, les conservateurs grecs ont aussi voté contre sans que personne ne comprenne pourquoi.

Les Italiens, comme je l'ai expliqué veulent que l'on tienne compte des seuls citoyens – comme le prévoit le « traité simplifié » — et non des habitants. Rome estime avoir tout à y gagner, puisqu'elle compte plusieurs millions de nationaux résidant à l'étranger, parfois depuis plusieurs générations… Alain Lamassoure juge que « c'est un gigantesque problème, parce que nous n'avons jamais eu ce débat sur ce qu'est un citoyen européen ». Pour le libéral britannique, Andrew Duff, « c'est une question extraordinairement ardue qui empiète sur la souveraineté nationale, sur le droit électoral, la citoyenneté. Nous ne pourrons pas résoudre un tel problème en une semaine ».

De fait, il faudrait procéder à un nouveau comptage des « citoyens » de chaque pays, même s’ils résident à l’étranger, dans l’Union et hors de l’Union, comptage qui devrait être validé par Eurostat. Mais pour ce faire, il faudra au préalable se mettre d’accord sur la définition de la citoyenneté. Or celle-ci varie d’un pays à l’autre : par exemple, la citoyenneté peut être ou non liée à la nationalité ou la simple résidence

à l’étranger paralyser l’exercice de la citoyenneté... Ensuite, il faudrait trancher le sort des doubles nationaux qui sont légions. Enfin, ce comptage exclurait les étrangers non européens, pénalisant ainsi ceux qui ont une politique restrictive en matière d’acquisition de la nationalité ou ceux dont les immigrés n’ont pas envie d’acquérir la nationalité du pays d’accueil.

Dernier élément important : cela reviendrait à avoir deux méthodes de comptage, l’une pour le Parlement européen, l’autre pour le Conseil des ministres. En effet, à compter de 2014, le mode de calcul de la majorité qualifiée changera : il faudra réunir 55 % des pays représentant 65 % de la « population ». Comment comprendre que le Parlement représente les seuls « citoyens » alors que le Conseil représente la « population », c’est-à-dire l’ensemble de ceux qui résident sur son territoire ?

On peut donc bel et bien parler de « boite de Pandore », tant le débat que les Italiens voudraient ouvrir pour obtenir un siège de députés de plus risque de déchaîner les passions les plus incontrôlables. Romano Prodi, le président du Conseil italien, veut néanmoins obtenir une nouvelle discussion et donc un report de la décision fixant la nouvelle répartition des sièges. Rome serait mieux inspiré de lancer une vraie politique nataliste pour rattraper son retard et, surtout, de demander à ses députés -les mieux payés de la planète- de siéger effectivement à Strasbourg…