Le 20 septembre, la monnaie unique franchissait la barre symbolique des 1,40 dollar. C’est un nouveau plafond qu’elle a percé, une première fois mercredi, à 1,4504 dollar et une seconde fois aujourd’hui à
1,4525 dollar
, son plus haut historique. L’euro s’est ensuite replié légèrement sous les 1,45 dollar. Il est de plus en plus probable que la devise européenne atteindra les 1,50 dollar d’ici à la fin de l’année.
Ce n'est pas totalement une mauvaise nouvelle au moment où le prix – libellé en billets verts — du pétrole (autour de 96 dollars, ce qui veut dire que l'on paye le baril 30% de moins) et des matières premières flambe, ce qui limite l'impact sur l'économie européenne, en particulier l'effet inflationniste. Cela étant, encore une fois, il s'agit moins d'une flambée de l'euro que d'une chute vertigineuse du dollar. Ce n'est pas un hasard si ce nouveau record a été franchi après que la Réserve fédérale, manifestement toujours très inquiète des effets de la crise immobilière, ait décidé, mercredi, de ramener son principal taux directeur de 4,75 % à 4,50 % (après l'avoir déjà fait passer de 5,25 % à 4,75 %) et d'injecter à nouveau dans le circuit bancaire 45 milliards de dollars. Autrement dit, inquiets, les investisseurs, qui n'aiment pas l'incertitude, fuient les États-Unis pour se réfugier dans la zone euro dont les fondamentaux économiques sont bien plus sains. Certes, l'euro gagne aussi du terrain face au yen japonais : mais, selon les analystes, il s'agit là d'un effet des opérations purement spéculatives de « carry trade » consistant à emprunter dans une monnaie faiblement rémunérée (les taux de la Banque du Japon sont anormalement bas) pour acheter une devise mieux rémunérée.
Si la force de l’euro face au dollar commence à inquiéter les Européens, leur vrai problème reste la
sous-évaluation persistante du yuan chinois, artificiellement rattaché au dollar : certes, Pékin a accepté de réévaluer quelque peu sa monnaie, mais cela reste totalement insuffisant au regard de la vigueur de son économie. Or les déficits commerciaux records sont actuellement enregistrés non pas avec les États-Unis, mais avec la Chine (le cas de la France est à part, car ses échanges se dégradent aussi dans la zone euro, faute d’une compétitivité suffisante et d’une bonne adaptation de ses produits au marché européen…). C’est pourquoi tant l’Eurogroupe que le « G7 finance » ont exigé que la Chine réévalue sa monnaie…en vain jusqu’à présent.
La Banque centrale européenne (BCE) va donc sans doute devoir prolonger, lors de sa réunion du 8 novembre, la pause qu'elle observe depuis quatre mois dans son cycle de hausse des taux d'intérêt entamé en décembre 2005 en attendant de voir quels seront les effets sur l'économie européenne de la crise immobilière américaine. D'une part, parce que la hausse de l'euro équivaut déjà à un tour de vis monétaire, d'autre part parce qu'une hausse de son principal taux directeur, le Refi, actuellement à 4 %, rapprocherait encore davantage les taux européens à court terme de ceux de la Réserve fédérale (4,5 %), ce qui contribuerait à accélérer la chute du dollar.
Le problème est que l'inflation s'est brutalement accélérée en octobre dans la zone euro à 2,6 % contre 2,1 % en septembre (l'objectif de la BCE est de 2 %). Mais cette hausse est sans doute due (on n'a pas encore le détail) à la flambée des matières premières et à celle des produits agricoles et non à des facteurs internes (ce que l'on appelle « l'inflation sous-jacente ») : une augmentation des taux d'intérêt, comme la réclame le président de la Bundesbank, Axel Weber, n'aurait aucun effet sur cette flambée des matières et risquerait simplement de contribuer à ralentir davantage la croissance sur le vieux continent. Or, toutes les prévisions de croissance ont déjà été revues à la baisse pour l'année prochaine. Bref, la raison impliquerait que la BCE prolonge le statu quo, cette poussée d'inflation étant trop récente et ne s'étant pas répercuté sur les salaires.