Le gouvernement transitoire mis en place par Guy Verhofstadt, en décembre dernier, afin de geler le
compteur de la crise politique belge, est un vrai coup de maître pour les partis politiques flamands. Pour la première fois dans l’histoire du pays,
les Francophones ont été dépouillés de quasiment toutes les « fonctions régaliennes » de l’État et se retrouvent dans le même temps confiné dans des compétences purement internes
. La puissance et la voix de la Belgique sont désormais flamandes que cela soit dit.
Cet amusant constat a été fait par le GERFA (Groupe d'étude et de réforme de la fonction administrative), un organisme d'experts indépendants fondé il y a une vingtaine d'années afin de lutter contre le clientélisme qui sévit dans la fonction publique locale. Pour Michel Legrand, son président, la répartition des portefeuilles dans le gouvernement de Verhostadt III est « sans précédent, l'équilibre entre les deux communautés ayant toujours été soigneusement respecté » : « désormais, au maximum, les ministres francophones ne contrôlent que 30 % des compétences étatiques », affirme-t-il. Ainsi, la justice, l'intérieur, la défense, les affaires étrangères, la fonction publique et le budget ont tous été attribués à des ministres flamands.
Seules les finances reviennent au libéral francophone Didier Reynders, le patron du MR qui est quand même le second parti du Royaume… Les Francophones doivent se contenter de portefeuilles de second plan ou alors de portefeuilles que les Flamands veulent justement régionaliser : les finances, l’économie, les affaires sociales…
Pour Michel Legrand, ce gouvernement marque une seconde rupture :

. Et, cerise sur le gâteau, les francophones n’ont aucun poste à visibilité internationale, en dehors de la « coopération au développement » :
« cela accrédite l’idée sur la scène internationale que la Belgique est désormais dirigée par des Flamands »
.
À cela s’ajoute le fait que les Flamands, majoritaires dans le pays, estiment que le poste de Premier ministre leur revient de droit : contrairement à la Suisse, par exemple, il n’y a aucune rotation entre les communautés. Le dernier francophone à avoir brièvement exercé cette fonction était le pauvre Edmond Leburton, il y a 35 ans. Alors, les Francophones se consolent comme ils peuvent : Verhosfstadt leur a concédé la parité, puisque le gouvernement compte 7 Flamands et 7 Francophones, une première. Habituellement, il compte 14 ministres (répartis à égalité entre les communautés), plus le poste de Premier ministre de facto réservé aux Flamands.
Pourquoi les Francophones se sont-ils ainsi laissé plumer ? <em>« Frilosité, manque de vision stratégique, pression psychologique »</em>, selon Michel Legrand. On ne saurait mieux dire. Mais ils ont créé un précédent : il leur sera difficile de réclamer un meilleur traitement dans le gouvernement que le Flamand Yves Leterme est censé diriger à compter du 23 mars.
NB: merci à Benoit B. qui a attiré mon attention sur le travail du GERFA.