Une partie des États européens craint, en reconnaissant l’indépendance annoncée du Kosovo, de créer un «
précédent » qui pourrait donner des idées à d’autres régions d’Europe elles aussi travaillées par le nationalisme. C’est notamment le cas de l’Espagne, de Chypre (dont la partie nord est occupée par les troupes turques depuis 30 ans) ou encore de la Grèce. Comment refuser demain à la Catalogne, au Pays Basque, aux Turcs chypriotes, à l’Écosse, à la Corse ou à la Flandre ce que l’on a accepté en 2008 pour le « berceau de la civilisation serbe » peuplée tres majoritairement d’Albanais ? La Slovénie, qui préside l’Union européenne depuis le 1er janvier, estime que cette indépendance est inéluctable même si elle pose de redoutables défis aux Européens, la survie de cet État étant loin d’être évidente (voir mon
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dans Libération de ce jour).
Mais, sans même se prononcer sur la pertinence de la politique menée à l’égard du Kosovo par la Communauté internationale depuis dix ans, on ne peut que constater que l’argument du « précédent » ne tient pas. En effet, nulle part en Europe, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, une minorité n’a ainsi fait l’objet d’une tentative de génocide : les Serbes, il faut le rappeler, ont commencé à liquider physiquement une partie de la population albanaise en 1998 et il a fallu que l’OTAN intervienne en 1999 pour y mettre fin.
Cette tentative de purification ethnique a été précédée par la révocation, en 1989, par Milosevic, du statut de très large autonomie dont bénéficiait la province au sein de la Yougoslavie et d’une politique d’assimilation forcée. Bref, les Albanais du Kosovo savent ce que le mot de persécution signifie.
Serbes et Albanais du Kosovo, dix ans après les faits, refusent d’enterrer la hache de guerre et d’oublier les offenses du passé à l’image de l’Allemagne et de la France après 1945. Comment, dès lors, obliger deux communautés qui se haïssent à vivre ensemble au nom du bon exemple ? C’est tout simplement impossible et l’histoire de l’ex-Yougoslavie montre qu’il ne sert à rien de retarder l’inévitable. Reconnaître l’indépendance du Kosovo ne créera pas plus de précédent que la scission de la Tchécoslovaquie n’en a créé. Mais l’indépendance ne sera pas, en elle-même, une solution miracle : la stabilité de la région ne sera pas automatiquement assurée et il reste à bâtir un véritable État kosovar.