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Blog «Coulisses de Bruxelles»

Belgique : les fusils sont sortis

Depuis la formation d’un gouvernement « intérimaire » sous l’autorité de Guy Verhofstadt, le 19 décembre dernier, la Belgique est sortie de l’actualité internationale. Pourtant, la crise est bel et bien là et menace de resurgir à tout moment. En particulier, le 23 mars prochain, date à laquelle un gouvernement « définitif » est censé être formé, avec le démocrate-chrétien flamand Yves Leterme à sa tête, une hypothèse qui apparaît de plus en plus improbable. Les rumeurs d’élections anticipées, so
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publié le 27 janvier 2008 à 19h00
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h14)

Depuis la formation d’un gouvernement « intérimaire » sous l’autorité de Guy Verhofstadt, le 19 décembre dernier, la Belgique est sortie de l’actualité internationale. Pourtant, la crise est bel et bien là et menace de resurgir à tout moment. En particulier, le 23 mars prochain, date à laquelle un gouvernement « définitif » est censé être formé, avec le démocrate-chrétien flamand Yves Leterme à sa tête, une hypothèse qui apparaît de plus en plus improbable. Les rumeurs d’élections anticipées, soit en juin 2008, soit en juin 2009, en même temps que les régionales se font insistantes, un compromis sur une nouvelle réforme institutionnelle paraissant difficile à atteindre.

Il est vrai que le dialogue semble devenu impossible de part et d'autre de la frontière linguistique qui sépare Flamands et Francophones, d'ouest en est. Une interview — publiée samedi dans les quotidiens francophone Le Soir et flamand De Standaard- des ministres libéraux flamands (Open VLD) des affaires étrangères, Karel De Gucht (à gauche), et de l'intérieur, Patrick Dewael (à droite), donne la mesure de la radicalisation des esprits en Flandre (photo: Le Soir). Tout en se proclamant opposés à la disparition de la Belgique, ce qui ne mange pas de pains, les deux hommes, que l'on ne connaissait pas aussi « flamingants », menacent à demi-mot les Francophones du pire, c'est-à-dire d'une scission.

Pour le chef de la diplomatie belge, « qui a le plus grand intérêt à la subsistance de la Belgique ? Les Francophones ! Ce sont donc eux qui devront fournir l'effort pour que le fédéral fonctionne convenablement ». Autrement dit, la « réforme de l'État », c'est-à-dire le passage du fédéralisme au confédéralisme, n'est pas négociable et elle passe par les exigences des Flamands qui, eux, savent ce qui est bon pour la Belgique. Pour le ministre de l'Intérieur, il faudra avoir tranché d'ici au 23 mars : « avant le 23 mars, il doit y avoir un accord sur la réforme de l'État. Pas un accord tout à fait élaboré, mais pas non plus, comme disent certains (les Francophones, NDA), seulement une perspective d'accord ».

Cette nouvelle dévolution de compétences vers les régions n’aura aucune contrepartie territoriale. En

particulier, il n’y aura aucun élargissement de la région bruxelloise aux communes de la périphérie, comme le réclament les Francophones :

« la frontière linguistique est une frontière d’État »

proclame Karel De Gucht. « C’est la vision depuis les années 60 et c’est le point de vue de tous les partis flamands. Si on remet cela en cause, on est parti pour la gloire ». C’est la première fois, à ma connaissance, qu’un leader d’un parti de gouvernement dit aussi clairement que la Flandre est un État. Notez bien qu’il ne parle pas d’un acquis juridique, mais d’une « vision »… Certes, le ministre des Affaires étrangères précise qu’il « ne faut pas en déduire (…) qu’il y a deux États. Il s’agit des États fédérés au sein de la Belgique ». Mais le mot « État » a été prononcé.

Au passage, les deux hommes tapent à tour de bras sur les Francophones accusés d'avoir pillé les caisses de l'État. Pour eux, nouvelles compétences ne signifie pas nouveaux transferts financiers : les Francophones « ont trait la vache, mais la vache ne donne plus de lait, car il n'y a plus de lait ! ». Élégant.

La frontière linguistique étant érigée en frontière d'État, on voit mal ce qui pourra arrêter les forces centrifuges en œuvre en Belgique. D'ailleurs, tous les partis flamands ont refusé qu'une partie des députés soit élue au niveau national, comme cela se fait en Allemagne, afin que des politiques soient responsables devant l'ensemble du pays et non pas devant leur seule région. On aurait pu aussi imaginer que le Premier ministre soit obligatoirement issu de ce contingent de députés « nationaux ». Preuve s'il en est que les politiciens flamands sont déjà dans l'après Belgique.