Le probable départ de Franco Frattini (à droite sur la photo, Thierry Monasse), le ci-devant commissaire chargé de la justice et des affaires intérieures (JAI), en congé sans solde jusqu’au 28 avril et probable futur ministre des affaires étrangères de Silvio Berlusconi, fait les affaires de Jacques Barrot, actuel titulaire du portefeuille des transports. Le Président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, a, en effet, publié cet après-midi un communiqué annonçant un remaniement de son collège.
<em>«Afin d'assurer entièrement la cohérence et l'efficacité du travail complexe et sensible dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité, le Président a décidé que dans le cas où le Vice-Président Frattini démissionnerait de la Commission européenne, il demanderait au Vice-Président Barrot, qui remplace actuellement le Vice-Président Frattini d'une façon excellente dans l'exercice de ses fonctions, de prendre la responsabilité pour ce domaine pour le reste du mandat. Dans ce cas là, le successeur du Vice-President Frattini qui devra être nommé par les autorités italiennes serait en charge du domaine du transport qui est la responsabilité actuelle du Vice -Président Barrot».</em>
La France, qui a fait de l’immigration l’une des priorités de sa présidence de l’Union, va donc hériter d’un portefeuille éminemment sensible au moment où le JAI, grâce au traité de
Lisbonne qui entrera en vigueur le 1er janvier 2009, devient une matière communautaire. Ce qui signifie que la Commission va retrouver son monopole d’initiative et que le vote à la majorité qualifiée et la codécision avec le Parlement européen va devenir la règle. Ce sera donc la fin de l’unanimité paralysante et de l’harmonisation a minima. Barrot (photo: JQ) pourra imprimer sa marque sur les nouveaux mécanismes institutionnels qu’il faudra mettre en place. En Italie, on n’est pas mécontent non plus de se retrouver avec le dossier des transports au moment où la Commission devra se prononcer sur l’avenir d’Alitalia, la compagnie aérienne nationale, un avenir fort compromis au demeurant à cause de l’intransigeance des syndicats et des surenchères nationalistes de Berlusconi.
En procédant à ce mini-remaniement, Barroso veut aussi prévenir une répétition de l'affaire Buttiglione. En 2004, Berlusconi avait désigné ce chrétien intégriste comme commissaire. Le tout nouveau Président de la Commission avait alors fait l'erreur de lui confier le JAI, sans doute par amitié pour le Président du Conseil italien, grand admirateur comme lui de Georges W. Bush. Lors de son audition devant le Parlement européen, Rocco Buttiglione n'avait pu s'empêcher de tenir des propos malheureux sur les femmes et les homosexuels. Les eurodéputés ont donc contraint Berlusconi à rappeler à Rome son commissaire. Celui-ci a alors désigné Franco Frattini qui était déjà son ministre des affaires étrangères. Connaissant bien le caractère fantasque de son ami, Barroso n'a aucune envie de se retrouver dans la panade au moment où il joue son avenir européen. Quel que soit le futur commissaire italien, ses opinions religieuses et sociétales n'auront aucune importance dans un domaine technique comme les transports. Bien joué, José Manuel!<br/>