Menu
Libération
Blog «Coulisses de Bruxelles»

Nicolas Sarkozy se rallie au référendum anti-turc

Blog Coulisses de Bruxellesdossier
On me confirme à l’Élysée que le Président de la République accepte que le référendum reste obligatoire pour ratifier l’adhésion à l’Union européenne des États qui représentent « au moins 5 % de la population européenne », comme le propose l’UMP. Si la réforme constitutionnelle, dans laquelle s’inscrit cette disposition, est votée lors du Congrès qui doit avoir lieu le 7 juillet, la Constitution française sera le seul pays européen à compter une disposition spécialement destinée à empêcher l’adh
DR
publié le 16 mai 2008 à 19h20
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h14)

On me confirme à l’Élysée que le Président de la République accepte que le référendum reste obligatoire pour ratifier l’adhésion à l’Union européenne des États qui représentent

« au moins 5 % de la population européenne »

, comme le propose l’UMP. Si la réforme constitutionnelle, dans laquelle s’inscrit cette disposition, est votée lors du Congrès qui doit avoir lieu le 7 juillet, la Constitution française sera le seul pays européen à compter une disposition spécialement destinée à empêcher l’adhésion d’un pays, la Turquie en l’occurrence.

Certes, on fait valoir dans l'entourage du Président que l'amendement voté hier en commission des lois par les députés de l'UMP ne vise pas seulement Ankara, mais aussi « l'Ukraine et la Russie », contrairement aux projets d'amendements qui ont fleuri ces derniers temps et qui visaient soit les pays « non européens », soit ceux dont « majorité du territoire n'est pas en Europe », soit ceux dont « la capitale n'est pas en Europe »… On m'a aussi expliqué qu'il est normal que l'on consulte les Français sur l'adhésion des grands pays, comme on l'a fait en 1972 sur l'adhésion de la Grande-Bretagne, celle-ci « modifiant l'équilibre des forces internes ». Néanmoins, le but est clair : faire obstacle à la candidature de la Turquie. Le lobbying forcené du secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian, farouchement anti-turc, a donc payé.

Cette affaire est inquiétante à plus d'un titre : d'abord, c'est la démonstration que Sarkozy ne tient plus sa majorité. Alors qu'il était favorable à la suppression pure et simple de l'actuel article 88-5 imposant un référendum pour toutes les adhésions après celle de la Croatie, il se retrouve avec une disposition spécifiquement anti-turque. Son engagement politique de procéder à un référendum sur cette adhésion n'a donc pas suffi à rassurer l'UMP, ce qui en dit très long sur la confiance qu'inspire le locataire de l'Élysée. Ensuite, le nouvel article 88-5 est clairement discriminatoire, car l'Ukraine n'est pas prête d'être candidate. La Turquie est donc fondée à voir là une véritable déclaration d'hostilité : la version actuelle du 88-5 avait au moins le mérite de la neutralité. Enfin, le référendum, qui n'aura pas lieu avant une dizaine d'années, promet d'être un grand moment de la vie démocratique française, la consultation risquant de se transformer en un défouloir anti-musulmans. Seul le PS a les moyens de stopper ce qui s'annonce comme une gigantesque erreur diplomatique en votant contre la réforme des institutions lors du Congrès qui devra entériner la réforme constitutionnelle : s'il s'abstient, cela reviendra à l'accepter.

NB: Mon article dans Libération est ici.