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Blog «Les 400 culs»

Caudaphilie : j'aime ma queue

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A la fin du XIXème siècle, Sarah Bernhard acheta des panthères à un directeur de cirque parce qu’elle désirait s’en faire greffer une queue en bas des reins… Une styliste caudaphile rend désormais ce rêve possible. En matière de xeno-greffes, la chirurgie balbutiait au XIXe siècle et le projet de Sarah Bernhard fut  abandonné. Mais pas son rêve. Il existe une communauté de gens qui espère pouvoir se faire implanter des prothèses animales sur le corps. En attendant que les progrès de la médecin
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publié le 29 mai 2008 à 9h46
(mis à jour le 21 janvier 2015 à 16h14)

A la fin du XIXème siècle, Sarah Bernhard acheta des panthères à un directeur de cirque parce qu'elle désirait s'en faire greffer une queue en bas des reins… Une styliste caudaphile rend désormais ce rêve possible.

En matière de xeno-greffes, la chirurgie balbutiait au XIXe siècle et le projet de Sarah Bernhard fut  abandonné. Mais pas son rêve. Il existe une communauté de gens qui espère pouvoir se faire implanter des prothèses animales sur le corps. En attendant que les progrès de la médecine leur permettent de se faire «pousser» des queues, ils portent de longues postiches douces et soyeuses, qu’ils balancent entre leurs fesses comme s’ils étaient des femmes-lézards ou des hommes-renards. On appelle ça la caudaphilie, l’amour des queues animales et ce fétichisme s’accompagne souvent d’une identification très forte à un animal auquel on voudrait ressembler : certains aimeraient avoir la démarche virile d’un loup, ses muscles secs de fauve solitaire et sa virilité lupine : la queue bat lourdement, plutôt basse et menaçante. D’autres préfèreraient avoir l’élégance du renard, son pas élastique, son corps fin et sa féminité vulpine : la queue d’un renard bat plus vite, s’enroule voluptueusement et se love contre les flancs…

Beaucoup de caudalistes rêvent d’être des félins, mais d’autres s’identifient à des mouffettes (dont la queue se déploie comme un joli éventail touffu), à des singes à la queue préhensile, à des kangourous (dont la queue très puissante peut mesurer plus d’1 mètre) ou à des dragons à la queue reptilienne en dent de scie… Pour eux, porter une queue, c’est se doter d’une personnalité animale forte et particulièrement érotique. Sur certains forums, des centaines d’internautes aux pseudonymes explicites se décrivent en parlant de leur queue imaginaire : «Yiffy-Wolfy» (Loup-Lubrique) raconte que sa queue dominatrice ondule en vagues de désir sauvage tandis que «Killer-Otter» (Loutre tueuse) dit qu’elle promène sa longue queue humide et glissante entre ses pattes palmées…

Ces sites internet très spéciaux sont réservés aux «furries» - les humains à fourrure – des gens qui aiment se faire passer pour des bêtes de sexe et qui trouvent qu’avec un appendice supplémentaire un homme se porte toujours mieux : une queue, c’est bien ; deux queues, quelle joie. Sur ces sites, le mot le plus utilisé est «yiffy», l’équivalent de «bestial». Vous n’êtes pas «en chaleur», vous êtes «yiffy». Vous n’êtes pas «sexy», vous êtes «yiffy». Vous ne faites pas de rêves pornographiques, vous faites des rêves «yiffy».

Sheila X, 36 ans, styliste anglaise, invente des queues en tissu et en plastique pour les caudalistes yiffy qui aiment l'extravagance : certaines de ces queues s'accrochent sur le derrière et donnent l'impression de sortir littéralement du pantalon ! D'autres se portent comme un pagne, plus larges, triangulaires, proches des queues de castor préhistorique… «J'ai créé mes premières queues animales en 2000, sous le nom de marque Harlot from Hell (Clown de l'enfer), parce que être en enfer, c'est avoir le droit de posséder sa queue ! Les diables en ont une, n'est-ce pas ?». Partant du principe que la queue, c'est ce qui nous rattache aux péchés, Sheila revendique le droit pour les humains de faire la bête plus que l'ange et d'orner leur postérieur d'extensions sexuellement incorrectes.

Quand on lui demande pourquoi elle voit des queues partout, Sheila répond : «Parce que c'est joli ces longues lanières qui se balancent entre les fesses ! Je trouve que c'est beau et suggestif, surtout avec des épines de dinosaure mélangés à des pointes futuristes : mes accessoires caudals transforment l'humain en cybersaurus érotique dont la queue zèbre le ciel en claquant et en faisant des étincelles.» Sheila a toujours trouvé les queues des animaux expressives, surtout quand ils les utilisent pour faire leur parades amoureuses : «les chats fouettent l'air quand ils sont en colère, raconte-t-elle, les chiens la font frétiller, les oiseaux l'agitent en cadence pour fasciner leur femelle… C'est élégant, ça descend le long des reins avec une souplesse caressante. Ca attire l'œil sur les lombaires, ça met en valeur les mouvements des reins et puis c'est piquant.»

Ses premières queues, Sheila les a offertes à ses petits copains, tellement elle trouve ça érotique. Elle-même en porte souvent, d'ailleurs : «Généralement, je préfère rester un mammifère, mais parfois je rêve de devenir une créature très très ancienne comme un dragon. Je suis allée en Amérique du sud et le shamanisme m'intéresse beaucoup : se recouvrir d'une peau de bête, s'approprier ses caractéristiques physiques, ce n'est pas innocent : le pouvoir de l'animal vous envahit et votre esprit change, sous l'influence d'une force inconnue. Le sexe, c'est la même chose. Pour moi, porter une queue, c'est s'arroger le pouvoir sexuel d'une créature séduisante et pleine de désirs.»

GLOSSAIRE
Anthropomorphophilie : Amour des animaux anthropomorphes (furries), c’est-à-dire des animaux dotés de caractéristiques humaines comme la capacité de se déplacer verticalement sur les pattes de derrière ou la capacité de parler et d’avoir des émotions…
Caudaphilie : Goût pour les queues d’animaux.
Fursuit sex : Relation sexuelle entre deux humains, dont au moins un est revêtu d’un costume de peluche géante.
Furvers : Personne attirée sexuellement par les furries (jeu de mots sur pervers).
Herpetophilie : Amour des lézards, des serpents, des dragons, etc.
Spooge : 1. Fluides génitaux (cyprine ou sperme) ; 2. Œuvres d’art sexuellement explicites.
TinySex : Relation sexuelle virtuelle, entre internautes jouant des rôles d’anthropomorphes.
Toonophilie : Amour des personnages de cartoon et de dessins animés.
Transformation : Métamorphose d’un humain en anthropomorphe.
Yiff : Mot d’argot propre aux furvers désignant une relation sexuelle avec un furry.
Yiffy : 1. Sexy (en argot furvers). 2. Érotique. 3. Excité.