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Blog «Coulisses de Bruxelles»

Pouvoir d’achat : la mémoire courte

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C’est entendu : « c’était mieux avant ». On gagnait mieux sa vie « avant », les produits coûtaient moins cher « avant », bref, on vivait mieux « avant ». Tout se dégrade, tout fout le camp ! Même si les statistiques montrent l’exact contraire, ce n’est pas grave. Seul compte le sentiment. C’est comme pour l’euro : sans lui, tout serait moins cher. Jean-Pierre Robin, un excellent journaliste du Figaro économie, s’est avisé, dans un article paru le 19 mai, que l’euro d’aujourd’hui avait à peu pr
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publié le 29 mai 2008 à 18h49
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h13)

C'est entendu : « c'était mieux avant ». On gagnait mieux sa vie « avant », les produits coûtaient moins cher « avant », bref, on vivait mieux « avant ». Tout se dégrade, tout fout le camp ! Même si les statistiques montrent l'exact contraire, ce n'est pas grave. Seul compte le sentiment. C'est comme pour l'euro : sans lui, tout serait moins cher.

Jean-Pierre Robin, un excellent journaliste du Figaro économie, s’est avisé, dans un

paru le 19

mai, que l’euro d’aujourd’hui avait à peu près la valeur du franc de 1968 :

« l’inflation a conduit à multiplier par 6,5 à 7 en quarante ans le niveau général des prix en France, selon la table d’équivalence établie par l’INSEE sur le pouvoir d’achat de la monnaie… Or cette culbute correspond peu ou prou au taux de conversion d’un euro pour 6,55 francs qui fut adopté le 1er janvier 1999 »

. La comparaison est passionnante : on s’aperçoit ainsi que les smicards ont été les grands gagnants des quarante dernières années. Au lendemain de Grenelle, qui a vu le SMIC augmenter de 35 %, le salaire horaire était de…3 francs de l’heure contre 8,63 euros aujourd’hui, soit un quasi triplement du pouvoir d’achat.

« En moyenne, le revenu réel des Français par tête a un peu plus que doublé au cours des quarante dernières années (il a été multiplié par 2,25), selon l’INSEE »

, écrit mon confrère.

Si la presse est aujourd’hui beaucoup plus chère qu’en 1968 (0,40 franc contre 1,20 euro pour le Figaro, Libération n’existant pas encore à l’époque), le prix du beurre, en dépit de la flambée actuelle, a baissé : 1,90 franc contre 1,50 euro pour la plaquette de 250 grammes. Les prix des voitures sont restés stables : 7500 francs pour une Simca 1000GL et 7600 euros pour une Logan. En revanche, le prix de l’essence s’est envolé : 1,05 franc contre 1,41 euro. Tout comme le prix des appartements : 258.000 francs pour un 5 pièces de 149 m2 à Parly 2, deux à trois fois plus de nos jours.

Des observations largement corroborées par une étude menée par l'économiste Philippe Defeyt de l'Institut pour un développement durable, un institut belge, dont le quotidien Le Soir rend compte aujourd'hui. Lui a calculé le temps de travail nécessaire pour acquérir treize produits de grande consommation en 1983, en 1988 et en 2008 en se basant sur l'évolution du salaire horaire net moyen à prix constant et la durée moyenne du temps de travail. Il en conclut que le pouvoir d'achat a augmenté et que tous les produits sont moins cher ou au même prix qu'il y a 25 ans, à l'exception du gâteau moka, des pommes de terre et du cabillaud (en voie de disparition). L'économiste montre ainsi qu'il fallait travailler 1h02 pour acheter un kilo de beurre en 83 contre 34 minutes en 2008. Le pain, en dépit des augmentations récentes, reste stable : il faut toujours 11 minutes de travail pour acquérir un pain de 800 grammes. En dépit du choc pétrolier actuel, il ne faut travailler que 5h25 pour se payer un plein de 40 litres contre 6h15 il y a 25 ans… Bref, sur le long terme, les gains de pouvoir d'achat sont importants.

Alors, pourquoi les gens ont-ils le sentiment d'être étranglés ? Selon Philippe Defeyt, à cause des dépenses nouvelles (internet, GSM, vacances) et de leur…mauvaise mémoire.

N.B.: Sur le pouvoir d'achat dans la zone euro, une intéressante étude de la Fondation Robert Schuman.