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Libération
Blog «Coulisses de Bruxelles»

Irlande: les raisons du non et du oui

Le «non» irlandais, tout comme le «non» français, a été motivé par une série de raisons extrêmement variables qui, mises bout-à-bout, ont formé une majorité: tout se passe comme si ceux qui ont rejeté le traité ont cherché et trouvé une bonne raison de voter non. C’est une grande différence avec le «oui» qui, lui, tire les leçons de l’histoire récente de l’île : 32 % des citoyens ayant choisi le «oui» l’ont fait parce que «c’était le meilleur intérêt de l’Irlande», 19 %, parce que leur pays a b
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publié le 20 juin 2008 à 20h38
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h13)

Le «non» irlandais, tout comme le «non» français, a été motivé par une série de raisons extrêmement

variables qui, mises bout-à-bout, ont formé une majorité: tout se passe comme si ceux qui ont rejeté le traité ont cherché et trouvé une bonne raison de voter non. C’est une grande différence avec le «oui» qui, lui, tire les leçons de l’histoire récente de l’île : 32 % des citoyens ayant choisi le «oui» l’ont fait parce que

«c’était le meilleur intérêt de l’Irlande»

, 19 %, parce que leur pays a bénéficié de son appartenance à l’Union, 9 % pour maintenir Dublin au coeur de l’Europe et 9 % encore pour aider l’économie irlandaise. Bref, le «oui», c’est la reconnaissance de ce qu’a fait l’Union pour le développement de l’île. En revanche, 17 % seulement vantent les mérites du traité lui-même.

<strong>Autant dire que ce n'est pas le contenu du traité lui-même qui a déterminé le vote, qu'il soit positif ou négatif d'ailleurs : c'est plutôt l'idée que l'on se fait de l'Europe et de son attitude face à l'avenir.</strong>

Eurobaromètre a publié cet après-midi les résultats d'une enquête d'opinion effectuée par Gallup auprès de 2000 personnes (ce qui est un échantillon largement représentatif pour un pays de 4 millions d'habitants), dont le Irish Times avait publié les premières estimations. Les chiffres définitifs sont quelque peu différents, comme on va le voir (vous pouvez télécharger l'ensemble de l'enquête en format pdf. et en anglais). Cette enquête confirme que le résultat du référendum s'est joué dans les dernières semaines de la campagne et que les tenants du non ont été jugés plus convaincants (y compris par 57 % de ceux qui ont voté oui...)

22 % de ceux qui ont voté non l’ont fait parce qu’ils manquaient d’informations sur le contenu du traité; 12 % pour protéger l’identité irlandaise; 6 % pour défendre la neutralité irlandaise; 6 % parce qu’ils n’ont pas confiance dans les politiciens; 6 % pour garder «leur» commissaire à Bruxelles; 6 % pour refuser l’harmonisation fiscale; 5 % pour s’opposer à l’idée d’une Europe unie; 4 % pour protester contre la politique du gouvernement; 4 % pour éviter que l’Union parle d’une seule voix sur les problèmes mondiaux; 4 % pour protester contre la domination des grands Etats membres; 3 % pour maintenir l’influence des petits Etats, 2 % pour éviter l’introduction du droit à l’avortement, du mariage gay et de l’euthanasie.

Pour y voir plus clair, on peut se risquer à regrouper les raisons du non par catégorie : 22 % des nonistes ne savaient pas ce qu’il y avait dans le traité, 21% sont souverainistes (identité, Europe unie, une seule voix), 14 % ont peur de fantasmes (fiscalité, neutralité ou mariage gay), 13 % rejettent des dispositions précises du traité lui-même (perte du commissaire, diminution de l’influence des petits Etats) et 10 % se sont prononcés sur des raisons de politique intérieure.

Il est aussi intéressant de noter que 80% des nonistes (contre 98% des ouistes) soutiennent l’appartenance de l’Irlande à l’Union. Mais, les nonistes estiment à 42 % que le résultat du référendum n’a pas d’importance pour l’influence de l’Irlande dans l’Union alors qu’ils ne sont que 5 % à partager cet avis dans le camp du oui. Bref, le non est perçu comme sans risque, ce qui le rend confortable. En revanche, du côté du oui, on est beaucoup plus inquiets des conséquences du non.

Enfin, le non est majoritaire chez les femmes (56 % contre 49 % pour les hommes), dans toutes les classes d’âge, sauf parmi les plus de 55 ans, dans toutes les professions, sauf chez les indépendants. Et si, plus on est éduqué, plus on vote oui, ce sondage indique que le non est majoritaire à 69 % chez les étudiants...

Un second référendum peut-il être gagné? C'est possible, vu le faible niveau de participation. Pour renverser la tendance, il suffirait de gagner 110.000 voix, ce qui ne parait pas hors de portée, vu l'extrême diversité du camp du non.