Rachida Dati a dû jeter l’éponge et reconnaître qu’il est impossible de contourner le refus allemand de mettre en place un système européen de recherche des enfants disparus sur le modèle de ce qui existe en France (depuis 2005, il a été activé six fois avec succès), en Grèce ou encore en Belgique.
«On ne peut pas imposer un système à un autre pays»
, a déploré la ministre de la justice française, hier, à l’issue de la réunion informelle des ministres de la justice qui s’est tenue à Cannes. Ce système était réclamé en particulier par les parents de Madeleine McCann, une fillette britannique de 4 ans disparue le 3 mai 2007.
Un numéro d'appel européen a déjà été créé. Il s'agit du 116.000. Mais un an après la décision de le créer, six pays seulement l'ont adopté et il ne fonctionne qu'en Hongrie et en Grèce. Mais, pour qu'il soit efficace, il faudrait qu'il soit soutenu par un système intégré de recherches (alerte automatique dans tous les pays européens, diffusion dans les médias, etc). Car, si «la grande majorité des Etats membres ont un système de recherche des enfants disparu (...) certains sont moins intégrés et se limitent à une enquête judiciaire», a expliqué Rachida Dati. Surtout, ce morcellement national des systèmes d'alerte rend la recherche difficile. Or, «chaque seconde compte en cas de disparition d'enfants» et il est facile de franchir une frontière dans l'espace européen de libre circulation.
Pour Berlin, un tel système n'a pas de raison d'être. «Chez nous, on publie des images d'enfants disparus, mais seulement quand c'est vraiment nécessaire», a expliqué la ministre allemande de la Justice Brigitte Zypries. «Il ne faut pas faire une alerte européenne quand un enfant a disparu depuis seulement deux heures. La grande majorité rentre à la maison après deux ou trois jours», a-t-elle soutenu. Une explication peu satisfaisante. Il semble surtout que l'Allemagne répugne à tout ce qui ressemble à un partage de souveraineté dans un domaine qui peut toucher au droit civil, en particulier les enlèvements internationaux d'enfants. On sait, en effet, que ce pays refuse de rendre les enfants enlevés par un parent allemand en violation d'une décision judiciaire sur le droit de garde...
Ce blocage montre les limites de la simple coopération intergouvernementale: elle dépend totalement de la volonté de chaque Etat membre et l'opposition d'un seul suffit à tout bloquer. La méthode communautaire autorise, elle, le vote à la majorité qualifiée, ce qui aurait suffit à contourner l'opposition de l'Allemagne. Reste à voir si les Etats membres les plus allants sont prêts à créer une «coopération renforcée» afin de lancer à quelques uns un système européen d'alerte. L'Allemagne finira bien par le rejoindre.