Le TGV de l’Europe est arrivé dix minutes en avance, cet après-midi, en gare d’Avignon, se réjouissent des diplomates européens. Juste avant le départ, Miguel Angel Moratinos, le chef de la diplomatie espagnole, avait justement lancé :
« c’est l’Europe qui cherche la grande vitesse ».
Elle l’a pour une fois trouvé… Décoré aux couleurs de la présidence française de l’Union européenne, ce train est une idée du ministère des Affaires étrangères. Afin de faciliter le voyage des ministres des Affaires étrangères des 27 et de leurs délégations vers la cité des Papes, où a lieu aujourd’hui et demain la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères (appelée Gymnich, en souvenir du château allemand où se déroula la première réunion de ce genre en 1974), le quai d’Orsay a affrété un train spécial partant de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle où ont atterri les avions transportant tout ce petit monde. L’aéroport d’Avignon n’a pas, en effet, une capacité d’accueil suffisante.
La gare de Roissy a été quelque peu perturbée, un quai ayant été réservé à l’opération. Force de police
barrant l’accès au vulgum pecus non muni du badge d’accréditation, tapis rouge, distribution de café et de croissants. Les ministres, accompagnés de leur conjoint, et les diplomates de haut rang ont droit à des wagons de première. Les délégations, la vingtaine de journalistes invités à participer à ce voyage de groupe (dont votre serviteur) et la sécurité devront se contenter de secondes. Le train s’ébranle à 11 h 2, précise. Première déception : on apprend que Bernard Kouchner, le ministre français, ne viendra pas voir les journalistes. Il convoquera simplement trois reporters d’agence pour leur délivrer son message. Heureusement, les diplomates du Quai viendront nous faire un topo sur le déroulement d’une réunion délicate, puisqu’elle se déroule juste avant le déplacement à Moscou, lundi, de Nicolas Sarkozy, le président en exercice du Conseil européen.
La France sait recevoir : amuse-gueule et champagne avant un plateau-repas froid comme on en mange rarement dans un train. Ne reculant devant aucun risque pour vous informer, je demande à aller voir les wagons ministériels, autorisation aussitôt accordée par les diplomates du Quai. Arrivé au bar du train, je constate qu’il a été transformé en véritable cuisine. Il faut dire que les ministres et leur suite ont droit, eux, à un repas chaud : filet de rouget poêlé, veau en deux cuissons, Pélardon des Cévennes (celui-là, on l’a eu aussi), Calisson glacé à l’orange. Le tout arrosé de Châteauneuf du Pape (un rouge de 1995 et un blanc de
2006). Les ministres sont disposés dans des compartiments, ce qui leur permet quelques colloques singuliers. Bernard Kouchner et accompagné de Christine Ockrent, son épouse, et déjeune avec l’Irlandais Michèal Martin. Kouchner, que je connais depuis 22 ans, est surpris de me voir débarquer :
« on t’a laissé passer »
, s’étonne-t-il, mi-agacé, mi-amusé? On se rappelle quelques vieux souvenirs de guerre et il insiste pour que je goûte le vin,
« une merveille »
. Je ne bois jamais dans la journée, mais bon, je ne vais pas le décevoir. Vu le degré d’alcool de ce vin, la discussion sur les relations transatlantiques de l’après-midi s’annonce chaude… Hormis quelques banalités d’usage, je n’apprendrais rien de Kouchner.
Ces réunions informelles n’ont pas pour but de prendre des décisions, mais de faire du
« team building »,
comme l’explique un diplomate européen.
« Il pourrait aussi sauter à l’élastique du haut du Palais des Papes »
, s’amuse-t-il.
« Le but est de discuter, de rapprocher les points de vue, de créer un esprit de solidarité »
. À Avignon, les ministres se sont retrouvés au Petit Palais et la salle de presse a été installée dans le Palais des papes (sympa, mais très chaud). L’interprétation ne sera assurée que de l’anglais, l’allemand, l’italien, l’espagnol et, bien sûr le français vers l’anglais et le français. En général, tout le monde parle ces deux dernières langues, seuls les Allemands parlant leur propre langue. Au programme ce soir : une représentation du « Dialogue de Carmen » dans la cour d’honneur du Palais, chanté par la mezzo Soprano Béatrice Uria Monzon et dansé par Dorothèe Gilbert et Alession Carbone, puis dîner.
Au menu des discussions demain matin, la Russie.