Connaissez-vous l'expression «bend over boyfriend» ? Et cette pratique —pourtant si connue— que l'on nomme «à l'imparfaite» ? Akiza, designer français, vend en galerie d'art et dans les soirées érotiques, des T-shirts ornés de mots mystérieux.
Qui pourrait croire que ce T-shirt noir et blanc aux tracés cabbalistiques et élégants cache une allusion au gode-ceinture ? Sur le devant, on voit une sorte de sphynx. Au dos, il y a marqué : bend-over boyfriend, «le petit ami qui se penche». «Il s'agit des garçons hétérosexuels goûtant la sodomie passive, explique Akiza, ceux qui demandent la lune à leur chérie, qui aiment qu'une demoiselle les retourne. J'ai recueilli ce mot dans Ma Reddition de Toni Bentley avec l'envie d'en faire un T-shirt manifeste. Un T-shirt avec une figure étrange, voire chimérique. Un animal imaginaire, un griffon tendant les fesses. Au dos, il y a l'oeil logo d'Akiza en haut, avec deux courbes évoquant des fesses qui s'ouvrent et l'inscription BEND-OVER BOYFRIEND tout en bas du T-shirt, juste sur les reins... C'est l'un des plus incorrects de toute la collection.»
Akiza est un des designers de T-shirts les plus connus de Paris. Il a fait des T-shirts en l'honneur d'Amélie Nothomb (ci-dessous) Romain Slocombe, Coralie Trin Thi et d'une trentaine de personnalités qui hantent la scène alternative (Son Excellence Otto, Andy Julia, Alyz Tale, Mina, etc). Ces T-shirts montrent tous une jolie poupée bondagée, à la bouche en O, les yeux écarquillés, déclinée en de multiples avatars : elle s'appelle Akiza et son renom dépasse maintenant les frontières. On le trouve en vente en Allemagne, Italie, Luxembourg, Suède et... même dans la boutique du Musée d'Art Contemporain de Chicago. Quand ce n'est pas sur les murs de galeries d'art, sous forme de plaques de métal émaillé, de sac ou de pins gravés de mots à double-sens et d'allusions discrètes à certaines perversions.
Typographe de formation, Akiza a fait de sa petite créature une
sorte de porte-parole. Bien qu'elle ait un bâillon dans la bouche, elle
est souvent accompagnée de mots codés comme des rébus, qui nous
enseignent, presque à notre insu, un alphabet pervers et mignon. Que
signifie par exemple ce T-shirt baptisé «la parfaite à l'imparfaite» ? «Une autre parfaite obscénité que presque personne ne remarquera, répond son créateur, en souriant. Dans Le Siège de l'âme. Éloge de la sodomie (Zulma, 2005), Claude Guillon donne la clé de l'énigme : Le Dictionnaire de droit canonique, (R. Naz, 1965, tome VII) nous
apprend que «La sodomie» est dite imparfaite lorsque qu'elle intervient
entre deux personnes de sexes différents, mais implique un
rapprochement «intra vas indebitum» (dans le vase indu). Celle-ci est
gravement peccamineuse (constitutive d'un péché) mais moins que la
sodomie parfaite (entre personnes de même sexe).»
On disait au
XVIIIème siècle, «mettre à l'imparfaite» et Casanova écrit «malgré son
état elle souhaitait de rester pucelle; comme elle montrait des fesses
à ravir, je la mis à l'imparfaite». C'est une sorte de comptine absurde
et charmante : «La parfaite imparfaite parfaite à l'imparfaite»…»
Akiza s'amuse. Son T-shirt le plus célèbre s'intitule "BONDAGE IS NOT A CRIME" (inpiré du slogan des skaters). Il y a aussi "Un esprit sain dans un corset" (en hommage au fétichisme), «CROP AREA" (zone de cravachage), "Vinyl inside" (pour ceux qui en portent et en écoutent). «On peut citer aussi NO PAIN NO GAME, un slogan masochiste à crier dans un cirque romain… ou THIS BAG IS NOT A TOY, une référence à l'inscription obligatoire sur tous les emballages pour que les petits enfants ne s'étouffent pas... this bag is not a toy. J'ai donc repris cette phrase à l'envers. Un sac, qui n'est pas un sac (merci Magritte) mais qui peut être un jouet avec bien sûr une série de plugs en illustration. Ou encore PLUG IN, ces deux mots retrouvés sans cesse sur nos ordinateurs et logiciels mais qui prennent, imprimés au dos d'un t-shirt, une toute autre tournure…»
Chaque année, Akiza créé une vingtaine de nouveaux modèles et vend 3000 T-shirts environ. Chaque T-shirt est imprimé à la main, par lui-même et sa muse, Yoshii. «On a fait le choix de numéroter chaque pièce depuis juillet dernier ce qui les rends donc uniques… comme un petit certificat d'authenticité. Les gens qui portent ces T-shirts sont divers. Plus qu'un milieu, Akiza touche des personnes qui aiment les parti-pris, les dessins recherchés et les slogans pas forcément évidents. J'appellerais ça des gens fréquentables, il faut se méfier des gens qui ne cultivent aucune ambiguïté.»
Prochaine exposition (collective et érotique) : à l'Atelier Gustave du 30 septembre au 12 octobre, vernissage le 30 à partir de 18h30 (Atelier Gustave 36, rue Boissonade Paris XIVe)