L’édifice européen va-t-il s’effondrer sous les coups de boutoir de la crise financière ? Jamais sa solidité n’a été mise à aussi rude épreuve depuis l’achèvement du marché intérieur, en 1993, et le lancement de la monnaie unique, en 1999. Jamais il n’est apparu aussi clairement à quel point le « gouvernement économique » qui aurait dû accompagner l’intégration économique et monétaire fait aujourd’hui cruellement défaut. Jour après jour, il apparaît que les réponses nationales que les Etats membres de l’Union ont jusqu’ici privilégiées sont totalement insuffisantes pour juguler la panique qui s’est emparé des marchés. En dépit des déclarations de principes rassurantes sur une soi disante « coordination européenne », ces derniers ont parfaitement compris que le chacun pour soi l’a emporté depuis deux semaines, les Etats s’efforçant de colmater par des solutions ad hoc brèches qui apparaissent jour après jour dans leur système financier : nationalisation partielle des banques au Royaume-Uni et en Belgique, fonds de soutien de 50 milliards d’euro en Espagne, garantie illimitée des dépôts bancaires en Allemagne et dans plusieurs autres pays, etc.(photo: AFP)
Hier, le président de la Commission, José Manuel Durao Barroso,
devant le Parlement européen :
« oui, les interventions publiques ont essentiellement eu lieu au niveau national parce c’est là que se trouvent l’argent et les compétences. Cela reflète que nous sommes une union d’Etats et non un Etat unitaire »
. Néanmoins, les gouvernements commencent à prendre conscience que ce cavalier seul les mènent droit dans le mur. Comme l’a résumé mardi, le grand argentier suédois, Anders Norg,
« la solution d’un pays est le problème d’un autre »
. Même l’eurosceptique Premier ministre britannique,
Gordon Brown, n’hésite plus à réclamer, dans une lettre adressée hier à Barroso et à ses partenaires du G7,
« un plan européen de financement »
des banques en difficulté. Nicolas Sarkozy, le très actif président en exercice du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, promettait dans la foulée
« une réponse globale et coordonnée (…) dans les heures qui viennent ».
Selon nos informations, Gordon Brown proposerait que les Etats européens et du G7 garantissent les prêts interbancaires : depuis un an, les banques rechignent à se prêter de l’argent entre elles de peur de ne pas recouvrer leurs créances en cas de défaillance de l’emprunteur. C’est pourquoi les Banques centrales injectent régulièrement et massivement de l’argent dans les circuits afin d’éviter une crise du crédit généralisée. L’idée est de rétablir la confiance en garantissant aux banques qu’elles retrouveront leur argent quoiqu’il arrive. La finance étant massivement internationalisée, une telle solution ne peut être évidemment nationale.
De même, l'idée d'un « fonds de secours » européen, torpillé mercredi dernier par l'Allemagne, soucieuse de ne pas payer pour les autres, a fait son retour. Sa création n'est plus jugée « impossible » par l'entourage du président de l'Eurogroupe, le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker. Il ne s'agirait pas d'un fonds fédéral, mais de l'engagement de chaque Etat de consacrer 3% de son PIB au sauvetage des banques en difficulté afin de donner de la lisibilité à l'action des gouvernements. La Commission elle-même commence à bouger alors que, jusqu'à présent, elle est restée en retrait. Hier, Barroso s'est ainsi rallié à l'idée de créer un « superviseur européen » pour les banques transfrontalières. Bref, un « gouvernement économique » de crise est peut-être en train de naître.
Mais, pour l’instant, on en reste encore au stade des intentions. Pour l’instant, seuls les banquiers centraux montrent qu’il y a encore un pilote dans l’avion : hier, la Banque centrale européenne (BCE) (photo: Jean-Claude Trichet par Thierry Monasse), la Réserve fédérale américaine et leurs homologues britannique, canadienne, suisse et suédoise, qui injectent depuis plus d’un an désormais, des liquidités pour éviter une embolie du système bancaire, ont abaissé de conserve leurs taux d’intérêt de 50 point de base (25 points en Suisse). Le Refi, le taux directeur de la BCE, est désormais à 3,75%, celui de la Fed à 1,5%, celui de la BoE à 4,5%, celui de la Suède à 4,25%. Une telle action concertée n’a qu’un précédent : le 17 septembre 2001, au lendemain des attentats du 11 septembre…