« Le processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée », coprésidée pour deux ans par la France et l’Egypte, a désormais un nom et un siège. Il aura fallu, pour en arriver là, deux jours de réunion à Marseille entre les chefs de la diplomatie des 43 pays de l’Union européenne et du pourtour méditerranéenne. Ce grand projet, lancé le 13 juillet dernier à Paris, s’appellera désormais… « Union pour la Méditerranée » tout court (UPM) et son secrétariat général élira domicile à…Barcelone, là où se trouve déjà le secrétariat du « processus de Barcelone ». On mesure les progrès accomplis en trois mois...
L’UPM, comme on pouvait le craindre, se heurte, en effet, aux mêmes écueils que le partenariat euro-méditerranéen - plus connu sous le nom de « processus de Barcelone » - lancé en 1995, déjà à l’initiative de la France : les crispations engendrées par la présence d’Israël et la méfiance entre les pays arabes ont contribué à l’envoyer dans l’ornière où elle végétait depuis plusieurs années. L’UPM, voulu par Nicolas Sarkozy, était censé revivifier ce partenariat entre les deux rives de la Méditerranée, le nord ayant un intérêt évident à contribuer au développement du sud.
Dès le départ, les faux pas se sont multipliés. En particulier, Paris a voulu écarter les Etats membres de l’Union non riverain de la Mare Nostrum, tout en faisant main basse sur le budget européen consacré au processus de Barcelone. Berlin s’y est évidemment opposé : elle redoutait, en particulier, que les Etats européens renouent avec le vieux système d’alliances qui a contribué, dans le passé, à diviser le vieux continent et a favorisé les affrontements. Ce « malentendu » dissipé, il a fallu trancher les « problèmes de gouvernance », selon l’expression d’un diplomate français.
Ainsi, la Syrie et le Liban se sont opposés à ce que le secrétariat général soit situé dans un pays arabe, la
Tunisie comme cela était prévu, car ce serait indirectement accepter la normalisation des relations avec Israël, son représentant ayant vocation à y siéger… Au final, ce sera donc Barcelone, en Espagne, le sud obtenant en échange le poste de secrétaire général. Il devrait revenir à la Tunisie en lot de consolation.
Autre écueil, le statut de la Ligue Arabe (ci-contre: photo AFP d’un sommet de la Ligue): « observateur » au sein du processus de Barcelone, elle exigeait de devenir membre à part entière afin de participer en tant que tel à toutes les réunions préparatoires. Israël s’y est opposé par principe, à la fureur des pays Arabes. Finalement, en échange d’un poste de secrétaire général adjoint, Tel Aviv a accepté qu’elle obtienne ce statut. Mais, pour faire bonne mesure, l’Autorité palestinienne, la Grèce, l’Italie et Malte auront aussi droit à un secrétaire général adjoint… Ces postes seront attribués pour trois ans renouvelables. Pour une structure qui ne se voulait pas bureaucratique, c’est bien parti. Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie française, n’a pas caché son soulagement à l’issue de cette réunion de marchandage :
« ca ne devait pas être fait, c’est fait »
…
Reste maintenant à l’UPM a entrer dans le vif du sujet : sélectionner des projets concrets et trouver les financements ad hoc. La tâche s’annonce difficile : si le budget européen consacré au processus de Barcelone alimentera désormais l’UPM, il ne va pas être facile de mobiliser les « contributions volontaires » des Etats confrontés à une récession de belle ampleur. La crise économique risque donc bien de compromettre l’UPM encore plus surement que les mésententes israélo-arabes.
N.B.: Ce papier est paru aujourd’hui dans Libération.