Votre libido est en panne ? Cette semaine, le Festival Gay et Lesbien de Paris démarre sur les chapeaux de roue avec un cocktail de films aphrodisiaques. Au programme : Grrr Girlz, décharges de sexe et rock'n roll attitude.
Lorsque la camera se rapproche lentement d'elle, Mademoiselle Sunday Luv, se tortille suggestivement dans des cordes qui lui passent entre les seins et les cuisses. Elle est seulement vêtue d'un collant panthère. Un transboy (FtoM, female to male) lui fourre ses doigts dans la bouche. Sunday Luv les lèche d'un air de chatte. Elle chante «Je suis vicieuse». On veut bien la croire. Ce vidéo-clip, réalisé par Emilie Jouvet, passe dimanche 9 novembre au Rex (à Paris), à 17h, en même temps que d'autres documents sur ces filles qui n'ont pas froid aux yeux ni ailleurs : les grrr girlz. On les appelle aussi Guerilla Girls ou Riot Girls. Cette année, le Festival Gay et Lesbien de Paris (4-11 novembre) leur accorde une place spéciale, sous le titre "Rock and Bad Girrrlz".
Leur nom évoque la minette en colère. Exhibant leurs tatouages et leur appétit de jouir, ces «nanas belles et rebelles» sont le contraire de victimes. «Aimer son corps, disent-elles, être soi-même sans honte et sans complexe, rejeter tout ce qui limite notre volonté de puissance, voilà la meilleure manière d'être une fille.» En France, la plus connue d'entre elles s'appelle Christine Guin. Fondatrice du groupe Flaming pussy (Chatte en feu), cette agitatrice mythique chante : «Mais pourquoi les filles de Paris sont-elles si belles et si sexy. Oh yes baby I want to biiiiip you.»
Le phénomène part des Etats-Unis. Au début des années 90, une tribu de gamines rockeuses provoque l'étincelle à coups de guitares électriques. Leurs noms de groupe sont révélateurs : Bikini Kill (massacre en bikini), Bratmobile (les morveuses au volant), L7 (enfer-paradis), Free Kittens (les minous en liberté), Babes in Toyland (Alice au pays des vibros)… Fait marquant dans l'histoire du rock : n'y a que des filles dans ces groupes. Inaugurant l'ère des girl's band, bien avant que les Spice prennent la relève en version allégée, ces tribus en folie expriment leur ras le bol de l'univers macho à coups de riffs et de hurlements.
«Dans les concerts, à l'époque, quand une fille montait sur scène avec une guitare, toute la salle se mettait à siffler, raconte David, un fan des girl's band. Une fille, ça peut pas jouer du rock. Les garçons hurlaient «retourne dans ta cuisine.» Mais quand Bikini Kill montait sur scène, les garçons étaient bien obligés de se taire : la chanteuse hurlait encore plus fort que toute la salle entière.» Pour en imposer au public, Kathleen Hanna - la chanteuse en question - n'hésite pas à sursaturer la sono de miaulements hystériques. Et ça marche. «Avec son énergie punk, Bikini Kill a libéré des milliers de filles dans le monde, continue David. Leur son rock destroy, c'était l'acte d'accusation d'une société patriarcale répressive. C'était la preuve que les filles pouvaient faire tout ce que font les garcons, et le faire en mieux.»
Avec son tube I like Fucking (j'aime faire l'amour) qui devient l'hymne des filles très hhhot, Kathleen Hanna met le feu aux poudres. L'expression Riot Girls apparaît alors, créée en été 1991 sur la base d'un slogan rageur : «Nous devons lancer une émeute de filles.» Riot : émeute. La ville d'Olympia (dans l'Etat de Washington), épicentre du phénomène, s'embrase littéralement sous la poussée de rockeuses hargneuses qui semblent avoir les fesses sur des charbons ardents.
Engagées dans une lutte sans merci contre l'inégalité des sexes, elles propagent l'incendie à travers des chansons qui exaltent les vertus de la femme moderne : bitch (pute), bimbo (sexy) et ball-breaker (briseuse de couilles). «She's fast, she's free, she's frightening», hurlent les quatre activistes de L7, qui montrent l'exemple : militantes pro-IVG, lesbiennes, bisexuelles et belles à mourir, elles ne s'embarrassent pas de bienséances, embarquant indifféremment leurs groupies mâles ou femelles à bord du bus qui leur sert de foutoir ambulant.
Véritables black panthères du nouveau féminisme, les Grrr Girls font assaut d'impudiques feulements : «Elles nous ont expliqué que nous ne devions pas sacrifier notre féminité pour obtenir ce que nous voulions», dit Rachel Orviro, une des porte-parole du mouvement. La leçon porte au-delà de toute espérance : répercuté au-delà des Etats-Unis, le message des Riot Girls se répand par l'intermédiaire du rock sous forme de manifestes explosifs.
Le plus célèbre d'entre eux proclame : «C'est bon d'être une grrrl. Parce qu''on nous a dit que les filles = stupides, les filles = mauvaises, les filles = faibles. Parce que nous refusons de laisser notre juste et tangible colère se transformer en culpabilité, en ressentiment, en sentiment de défaite, en jalousie et en autocensure. Parce que je crois de tout-mon-coeur-et-de-toute-mon-âme que les filles constituent une force révolutionnaire qui peut et qui pourra changer le monde réel. Parce que nous devons nous emparer des moyens de production en vue de créer nos propres rugissements.»
Dans les jours qui viennent, ne ratez le rendez-vous avec ces adeptes déchainées du Pussy Power, filles maudites de Russ Meyer et de Valérie Solanas :
Lundi 10, à 18h au Latina : »Supertarlet A.D.« Un film de science fiction déjanté : dans une ville en ruine, des tribus de castagneuses aux seins énormes, vêtues de bas résille, s’affrontent dans l’esprit de Tank Girl.
Le Rex : 1 boulevard Poissonnbière, 75002 Paris.
Beverley : 14 rue de la Ville neuve, 75002 paris