La Flandre a une conception pour le moins variable de l’État de droit. Son ministre de l’intérieur, l’ineffable
Marino Keulen, vient ainsi d’annoncer qu’il ne prendrait aucune sanction contre les maires (bourgmestres) des communes flamandes qui refuseront d’organiser les scrutins régionaux et européens du 7 juin prochain pour protester contre l’absence de scission de l’arrondissement électoral et judiciaire bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV)
[ (pour savoir ce que cela signifie, lire ici) ]
. Pour le ministre libéral de l’Open VLD, ces maires ne feraient que
« réclamer l’application de l’arrêt de la cour constitutionnelle »
qui, selon l’interprétation de la Flandre, exige cette scission. Le cas s’est déjà présenté en 2007 lors des élections législatives. Bref, les maires sont autorisés à faire justice eux-mêmes en quelque sorte, puisque les Francophones persistent à refuser de scinder BHV, dernier obstacle à la continuité territoriale flamande.
L’attitude du flamingant Keulen doit être comparée avec celle qu’il a adoptée dans l’affaire des trois bourgmestres de la périphérie bruxelloise. Ces trois maires francophones, élus en 2006 dans des communes à majorité francophone, mais situées en Flandre, n’ont toujours pas été nommés par la région flamande parce qu’ils ont osé envoyer des convocations électorales en français à leurs électeurs francophones. En effet, selon une circulaire flamande, ils auraient dû d’abord envoyer des convocations en flamand et attendre que les citoyens demandent qu’elles soient renvoyées en français pour le faire. On mesure l’outrage. Le problème est qu’aucun texte légal ne prévoit une quelconque sanction dans ce cas, et surtout pas la non-nomination de bourgmestres légalement élus. Le fait que le Conseil de l’Europe
ait demandé, à la fin de l’année dernière, la nomination desdits bourgmestres n’a pas fait changer d’avis l’intraitable Keulen.
Cette interprétation de l'État de droit au bénéfice des seuls Flamands ne s'arrête évidemment pas là. On pourrait lister à nouveau l'ensemble des discriminations illégales dont souffrent les francophones de Flandre, alors même qu'ils sont aussi Belges que les Flamands (par exemple, ici). Surtout, aucune condamnation internationale ne fait dévier la Flandre.
Ce mépris des élites flamandes pour la loi a cependant récemment mal tourné : pour avoir fait pression sur les juges de la Cour d’appel de Bruxelles dans l’affaire Fortis, le premier ministre Yves Leterme a dû démissionner. Gageons qu’il n’a sans doute toujours pas compris ce qui lui est arrivé. Car à force de violer la loi, on perd manifestement tout sens de la mesure.