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Blog «Les 400 culs»

Des verges porte-bonheur

Il s’appelle Willy, ce qui signifie «verge» dans l’argot américain. Sous ce nom d’artiste explicite, Willy fait de l’art avec son phallus, dont il pose les empreintes triomphales un peu partout : sur des tableaux, des livres d’or et même sur des boites d’allumette. Peintre libertaire, Français installé au Canada depuis 1998, ancien toxico, boxeur, travesti, marié, divorcé, décorateur pour les stars, Willy – de son vrai nom Guillaume Dupuis - vend ses œuvres au profit d’une association de défe
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publié le 24 janvier 2009 à 9h46
(mis à jour le 21 janvier 2015 à 16h14)

Il s'appelle Willy, ce qui signifie «verge» dans l'argot américain. Sous ce nom d'artiste explicite, Willy fait de l'art avec son phallus, dont il pose les empreintes triomphales un peu partout : sur des tableaux, des livres d'or et même sur des boites d'allumette.

Peintre libertaire, Français installé au Canada depuis 1998, ancien toxico, boxeur, travesti, marié, divorcé, décorateur pour les stars, Willy – de son vrai nom Guillaume Dupuis - vend ses œuvres au profit d'une association de défense des prostituées et multiplie les attaques contre tout ce qui ressemble au conformisme. Son dernier fait de guerre : il expose des «verges porte-bonheur» sur du papier de luxe. «J'ai fait une cinquantaine d'empreintes, explique-t-il. Ce sont des monotypes, c'est à dire des empreintes uniques que l'on peut peindre sur une plaque de verre ou de métal ou apposer sur papier à un exemplaire. Certaines personnes m'ont passé des commandes d'empreintes spécialement réalisées à leur attention… Ce n'est pas très compliqué à réaliser. Il suffit d'encre. L'encre se nettoie facilement, donc je n'ai pas besoin de me passer le pénis à la brosse pour me nettoyer. Non, le seul problème c'est que ça demande quand même une certaine énergie pour l'application… il faut appuyer très fort.»

Les monotypes sur carte postale coûtent 1000 dollars. Pour ceux (et celles) qui aimeraient avoir une empreinte à plus bas prix encore, Willy a également démocratisé ses oeuvres sous forme de paquets d'allumette ornés de son pénis en empreinte réduite et vendues au Musée d'Art Contemporain de Montreal. Il appelle ces œuvres des «verges porte-bonheur», par allusion aux cierges de l'église. «C'est un jeu de mot avec vierge ou cierge porte-bonheur, dit-il. Vous allumez une bougie à l'église pour faire un vœu, n'est-ce pas ? Eh bien moi, ma verge porte bonheur. La première fois que j'en ai exposé, mes verges porte-bonheur étaient installées sous l'attestation "Je me suis fait débaptiser" et un portrait de Jean Paul II avec un rectangle noir sur la bouche. Ça a eu beaucoup de succès. Sur 25 verges,  j'en ai vendu 17. Le fait d'avoir vendu 17 empreintes de ma verge à des inconnus constitue pour moi une expérience intéressante.»

Willy s'est fait débaptiser en 1997, suite à la visite de Jean Paul II en France. Il faisait alors partie du réseau politique Vivre au Présent qui lança une campagne de débaptisation menée pour attirer l'attention des citoyens sur l'alliance entre l'État et l'Église (le déplacement du pape en 1997 aurait coûté plusieurs millions de francs aux contribuables). «Je suis en total désaccord avec les programmes conservateurs de l'Église, affirme Willy. Ça tombe bien : ici, au Québec, les insultes ne sont pas basées sur le sexe (con ! enculé ! fils de… !) mais sur la religion. On sacre : hostie ! tabernacle ! christ ! St ciboire ! Les Québécois ont déserté les églises dans les années 60, mais ils ont gardé le goût du sacrilège.»

Par goût du sacrilège, donc, Willy s'amuse avec son pénis. Il n'est peut-être pas le premier à le faire, mais qu'importe. Ses empreintes péniennes sont uniques, tout comme nos empreintes digitales. Et cela fait des années déjà qu'il marque son territoire d'un bon coup de tampon encreur, dans tous les endroits chic où il va : Willy est passé par là ! «Lorsque j'allais aux vernissages d'autres artistes, j'avais plaisir à estamper ma verge sur les livres d'or en signant Willy. Bien avant moi, Dali a pris l'empreinte de l'anus de Gala, mais c'était du gaufrage, une technique différente de la mienne.»

Willy a-t-il été arrêté pour exhibitionnisme ? «Jamais, répond-t-il. Je suis un artiste… politico-érotique. Erotico-politique. C'est à dire que je conçois l'érotisme comme quelque chose de politique. Avoir des poils sous les bras pour une femme dans une soirée mondaine peut être considéré comme un acte contre l'ordre moral, c'est politique. J'adore les poils sous les bras. La barrière entre la pornographie et l'érotisme est subjective. Quand, à mon arrivée en Amérique du Nord, je me suis mis à travailler sur L'Origine du monde (le tableau de Courbet), le tableau a été censuré deux fois, y compris dans une exposition à caractère érotique ! La vulve était trop importante. J'ai fini par la raser (je l'ai épilée, alors que dans le tableau d'origine elle est très poilue) et j'ai changé le nom du tableau : «L'Origine du monde» est devenu «Welcome» (Bienvenue). Et là, surprise : c'est passé comme une lettre à la poste ! Je vis au pays de l'épilation définitive et du retouchage des lèvres vaginales : ici, les femmes mûres qui désirent retrouver leur sexe de 16 ans vont chez le chirurgien esthétique du pubis. Tout ça pour vous dire qu'il y a des choses qui font scandale et qui dérangent certaines personnes, alors que d'autres trouvent ça parfaitement naturel et normal. C'est une affaire de culture, de société et de morale personnelle. Mes verges porte-bonheur ne sont peut-être pas transgressives pour beaucoup de personnes. Mais elles servent de thermomètre pour mesurer le degré de conformisme ambiant.»

<span>QUATRE QUESTIONS A WILLY</span>

Pensez-vous qu'il existe un lien entre les gens qui font empailler leur poisson (quand ils ont pêché un très gros poisson) et vous qui prenez une belle empreinte de pénis (à un moment où il est particulièrement grand)?
Je me sers de mes attributs sexuels afin de provoquer les gens plus que pour montrer mon attachement à mon sexe en particulier. J'aime à penser que chaque homme aime son pénis, le valorise et c'est certainement ma façon de l'exprimer. J'utilise mon corps comme support pour ma création et bien sûr cela passe par mon pénis.
Mais je trouve que les hommes sont stupides lorsqu'ils comparent la taille de leur queue ou de leur voiture. J'ai d'ailleurs peint un tableau sur cette stupidité machiste : il s'intitule «Ma queue, mon char», et fait référence à «L'Origine du monde».

Cette empreinte, c'est une manière de laisser une trace sur terre ?
Léo Ferré chantait «la lucidité se tient dans mon froc» lui, il a laissé une grosse trace… J'espère en laisser une petite aussi, je travaille fort pour.

Vos empreintes, c'est de l'art ?
C'est une vulgarisation de l'Art. Je veux mettre l'art à la portée de tous et surtout attirer l'attention sur mon travail, sans passer par des galeries, souvent trop coincées pour m'exposer.

Les allumettes : pourquoi ? Une fine allusion à la flamme du désir et de la création ?
C'est un bon support marketing et médiatique à mon œ
uvre.

Il est possible de se procurer les allumettes (par lots) sur le site de Willy.
Contacter Willy par mail pour les commandes.