
Le projet de la Commission vous satisfait-il ?
Pas du tout. En septembre 2008, le Parlement européen a massivement adopté une proposition d’initiative législative dans laquelle nous demandions que les fonds spéculatifs et d’investissement soient enregistrés, réglementés et supervisés en Europe. On est très loin du compte. José Manuel Barroso, le président de la Commission, a certes compris qu’il fallait qu’il propose un texte, ne serait-ce que parce que l’Allemagne et la France étaient très demandeuses et que sa réélection à la tête de la Commission dépend de leur satisfaction. Mais son commissaire au marché intérieur, Charlie McCreevy, n’est pas sur cette longueur d’onde : il a décidé de faire du bruit pour donner l’impression d’occuper le terrain, mais sans rien changer sur le fond.
Le but de ce texte est, en réalité, d’étendre à l’ensemble de l’Union le système britannique. En enregistrant les seuls gestionnaires de fonds au niveau national et en étendant cet enregistrement à l’ensemble de l’Union, on fait à la fois échapper les fonds à toute régulation et on leur permet d’agir dans les États membres même si ces fonds sont domiciliés dans des paradis fiscaux, ce qui est le cas de la très grande majorité d’entre eux. Aucune règle prudentielle ne s’applique à eux et ils échapperaient même à l’obligation d’enregistrement s’ils ne dépassent pas 100 millions d’euros. Or l’expérience nous apprend à nous méfier des effets de seuils : cela va encourager ces fonds à se scinder en plusieurs entités pour échapper à cette régulation pourtant très légère.
Pourquoi la Commission refuse-t-elle de réglementer réellement ces fonds ?
McCreevy avait dit, en octobre dernier, qu’il considérait que ces fonds n’avaient aucune responsabilité dans la crise bancaire. C’est faux. Ces fonds agissent dans l’opacité et disposent d’un effet de levier considérable. Barroso semble dépassé par les questions économiques et financières. Déjà, il a fallu que le Parlement hausse le ton pour qu’il mette en place un groupe de travail sur la supervision bancaire présidé par Jacques de Larosière.
Que faudrait-il faire pour que l’on parle vraiment d’une régulation des fonds spéculatifs ou
d’investissement ?
Il faudrait en particulier qu’elle s’applique à l’ensemble des acteurs et des fonds sinon, on va à nouveau créer des chasses gardées échappant à toute supervision. Il faut aussi fixer des exigences en fonds propres pour les fonds eux- mêmes pour assurer la stabilité financière et leur demander de faire la transparence sur leur stratégie d’investissement, leur niveau d’endettement et la rémunération de leurs dirigeants. Ceci pourrait être assuré par un véritable enregistrement des fonds. Si l’on est cohérent avec l’idée qu’il faut surveiller la stabilité des marchés financiers, les autorités chargées de la supervision doivent avoir toutes les informations nécessaires pour détecter à temps les bulles et anticiper le moment de leur explosion, en totale coordination entre elles au niveau européen. La question des fonds off shore doit aussi être abordée, sinon, on ne peut pas parler d’une véritable réglementation.
En l’état, la proposition de la Commission a-t-elle une chance d’être votée ?
Non, de toute façon, une proposition de la Commission a par définition vocation à faire l’objet d’amendements par les co-législateurs, le Parlement européen et le Conseil, mais d’expérience nous savons que la qualité de la proposition initiale est importante pour orienter la négociation. En tout cas, Barroso a fait la démonstration dans cette affaire qu’il n’est pas l’homme du moment et ne peut pas être celui de demain.
N.B.: cet entretien a été publié aujourd’hui dans Libération. Mais à la suite d’une erreur de manipulation, c’est la signature de Julie Majerczak qui apparait et non la mienne. Cela arrive...
Photos: Thierry Monasse
Pourquoi la Commission refuse-t-elle de réglementer réellement ces fonds ?
McCreevy avait dit, en octobre dernier, qu’il considérait que ces fonds n’avaient aucune responsabilité dans la crise bancaire. C’est faux. Ces fonds agissent dans l’opacité et disposent d’un effet de levier considérable. Barroso semble dépassé par les questions économiques et financières. Déjà, il a fallu que le Parlement hausse le ton pour qu’il mette en place un groupe de travail sur la supervision bancaire présidé par Jacques de Larosière.
Que faudrait-il faire pour que l’on parle vraiment d’une régulation des fonds spéculatifs ou

Il faudrait en particulier qu’elle s’applique à l’ensemble des acteurs et des fonds sinon, on va à nouveau créer des chasses gardées échappant à toute supervision. Il faut aussi fixer des exigences en fonds propres pour les fonds eux- mêmes pour assurer la stabilité financière et leur demander de faire la transparence sur leur stratégie d’investissement, leur niveau d’endettement et la rémunération de leurs dirigeants. Ceci pourrait être assuré par un véritable enregistrement des fonds. Si l’on est cohérent avec l’idée qu’il faut surveiller la stabilité des marchés financiers, les autorités chargées de la supervision doivent avoir toutes les informations nécessaires pour détecter à temps les bulles et anticiper le moment de leur explosion, en totale coordination entre elles au niveau européen. La question des fonds off shore doit aussi être abordée, sinon, on ne peut pas parler d’une véritable réglementation.
En l’état, la proposition de la Commission a-t-elle une chance d’être votée ?
Non, de toute façon, une proposition de la Commission a par définition vocation à faire l’objet d’amendements par les co-législateurs, le Parlement européen et le Conseil, mais d’expérience nous savons que la qualité de la proposition initiale est importante pour orienter la négociation. En tout cas, Barroso a fait la démonstration dans cette affaire qu’il n’est pas l’homme du moment et ne peut pas être celui de demain.
N.B.: cet entretien a été publié aujourd’hui dans Libération. Mais à la suite d’une erreur de manipulation, c’est la signature de Julie Majerczak qui apparait et non la mienne. Cela arrive...
Photos: Thierry Monasse