Jean-Marie Le Pen ne présidera pas, même une fois, le Parlement européen. Aujourd’hui,
l’Assemblée a profité de sa dernière session plénière avant les élections du 7 juin pour modifier son règlement intérieur afin d’empêcher à l’avenir le doyen d’âge d’occuper le perchoir lors de la session inaugurale. Les députés européens se sont tardivement aperçus que ce doyen pourrait bien être le vieux leader d’extrême droite âgé de 80 ans. Et plutôt que de risquer une photo qui pourrait faire mal à une assemblée en quête de légitimité, ils ont préféré recourir à cette manœuvre tardive, ce qui fait bien rire Le Pen : « je ne montrerai aucune peine de ne pas présider cette assemblée de pleutres »
, a-t-il commenté lorsque je l’ai interrogé.
En juillet 1989, le Parlement avait déjà était embarrassé lorsqu'il s'était avéré que le doyen d'âge n'était autre que le cinéaste Claude Autant-Lara, 88 ans, élu sur les listes du FN. Celui-ci avait profité de cette tribune inespérée pour dénoncer la « terrifiante » « menace culturelle » américaine : « si un peuple se remet d'une défaite militaire – et même s'il s'en remet très bien, voyez le Japon – ou d'une défaite économique, comme l'Allemagne de 1930 – il ne se remet jamais – jamais – d'une défaite culturelle ». La quasi-totalité des députés avait alors quitté l'hémicycle. Depuis, le règlement intérieur a été modifié afin d'interdire au doyen de prendre la parole : « j'aurais seulement été la statue du commandeur, le muet du sérail », raille Le Pen, « pas de quoi avoir peur ».
Mais cette simple présence était insupportable aux groupes socialiste, présidé par Martin Schulz, et Vert, coprésidé par Daniel Cohn-Bendit. Le 24 mars dernier, Le Pen, accusé par Schulz d’être un , s’est défendu dans l’hémicycle de Strasbourg en expliquant qu’il ne niait pas l’existence des chambres à gaz, mais les considérait comme un
de l’histoire de la Seconde guerre mondiale, une formule qui lui a déjà valu d’être condamné en France. «Je n’ai fait que réexpliquer les choses, que je n’étais pas négationiste», se justifie Le Pen qui n’hésite pas à décrire le président allemand du PSE comme un mélange de «la tête de Staline et de la voix d’Hitler». Choqués par cette énième sortie du leader d’extrême droite, les conservateurs du PPE ainsi que les libéraux, pourtant peu favorables à ces modifications de dernière minute du règlement intérieur, ont estimé à leur tour qu’il fallait écarter le patron du FN du perchoir.
L'amendement au règlement intérieur déposé par le PPE et le PSE, les deux principaux groupes du Parlement, prévoit que, désormais, l'Assemblée sera présidée, lors de la session inaugurale, par le président sortant ou, à défaut, par l'un des quatorze vice-présidents sortant ou, à défaut, par le député « ayant exercé le plus long mandat ». L'idée des Verts de désigner le benjamin a été abandonnée car jugée tout aussi risquée que la règle du doyen d'âge. Le Pen aura au moins réussi, dans cette affaire, à faire parler une dernière fois de lui.
Photo: Thierry Monasse