Les éditions Taschen publient le livre ultime sur le pénis: XXL, un ouvrage aussi lourd et pesant que les verges hypertrophiées de Tom of Finland, une ode majeure à la beauté des mâles TBM (très bien membrés). Et l'occasion de se demander: mais pourquoi sont-ils si bandants?
Jusqu’au XXe siècle, les chantres de la beauté masculine exacerbent les muscles du torse, des hanches, des bras mais minorent la taille du pénis à un point presque gênant. Dans la sculpture gréco-romaine, les Apollon l’ont riquiqui, suivant un curieux critère de beauté antique. Dans la peinture chrétienne, Adam la recouvre à l’aide d’une simple feuille de vigne. Dans les tableaux pompiers du XIXe siècle, la disproportion est parfois si exagérée qu’elle choque l’œil. Trop petite. Il faut quasiment attendre Tom de Finland pour opérer –par un magistral retour de manivelle– l’opération contraire: ses mâles customisés ont le pénis presque aussi gros que la cuisse.
Dans un ouvrage redoutablement beau, épais, complet et fantasmatique, les éditions Taschen viennent de publier 1000 œuvres originales du maître, couvrant six décennies d'une production prolifique. Les dessins, les peintures, les croquis de Tom de Finland ici rassemblés proviennent de collections situées à travers tous les Etats-Unis et l'Europe. C'est la première fois au monde que l'on peut voir ces œuvres, à l'érotisme spectaculaire. Tom de Finland enfin révélé. Et l'occasion de se demander: mais pourquoi ?
A l’origine, le mot «pine» n’est pas très flatteur. Utilisé par les enfants, il désigne les petits sexes. Tiré du latin «pipinna», quéquette, c’est un dérivé des mots latins, sanskrits et grecs puer-pais-po (enfant) qui a donné «poupon», «puberté», «pépier», «petit», «pitié». Forcément: ce qui est petit fait pitié... Les latins, pas très compatissants, font le lien entre la pine et le petit oiseau... qui va bientôt sortir, peut-être, mais aux calendes grecques! Les Espagnols, encore plus vachards, font l’analogie avec le mot «piton» -bourgeon- ou «pito» -petit morceau de bois pointu... Bref, c’est plutôt piteux. La pine, comparée à un petit bec, à une brindille, et parfois même à un téton de sein (papilla), en est réduit à la plus stricte chétivité. Mais on sent déjà en germe -dans ce mot pitoyable- les images annonciatrices de futurs délices gustatifs. Car la pine appelle la pipe: comme ces petits oiseaux piailleurs qui piaulent pour avoir la becquée, comme ces pépins qui, une fois plantés, poussent vigoureusement, la pine contient les graines d’une expansion sexuelle florissante...
Sur le plan étymologique, la pine a toujours été comparée à quelque chose de petit, en train de grandir ou à une plante qui produit de la sève et qui… pousse. Finalement, Tom de Finland a préféré représenter le phallus que le pénis, et ses fantasmes que la réalité. Ses œuvres exaltent l'énergie masculine. Elles mettent en scène des hommes qui s'affirment avec une assurance désarmante. Le culte du «surmâle» n'est pas loin. Mais comme l'explique Durk Dehner, président de la Fondation Tom of Finland, «dans ses dessins, les passifs et les actifs échangent sans cesse leurs rôles, permettant à chacun de jouir de toutes les positions sur le terrain de jeu sexuel. (…) Tom a ouvert grand les portes à l'amour fier entre hommes. En plus de deux mille ans, personne n'a entrainé de changements aussi remarquables dans la culture occidentale à travers un message aussi simple.» Libérateur, Tom de Finland? A une époque où les gays étaient considérés comme des invertis faibles et féminisés, il a dessiné des queues énormes pour faire exploser les stéréotypes. Beaucoup d'hommes, actuellement, se sentent piégés par cette image de macho moustachu qu'il a popularisé. Certains d'entre eux ont revendiqué le droit d'être gros (mouvement bear). D'autres militent pour le droit d'être travesti. D'autres aimeraient bien avoir le droit de faire «seulement» 13 ou 15 cm (et non pas 30). Mais ce n'est pas évident de lutter contre les clichés, surtout quand ils proviennent d'un maître.