
Les deux dirigeants esquissent dans leur texte un véritable programme commun pour la prochaine législature européenne. Pour y parvenir, chacun a fait un pas vers l’autre. Ainsi, s’il n’est pas question d’instaurer un quelconque « protectionnisme européen », une tentation bien française, Berlin accepte clairement l’idée d’une « taxe carbone » qui frapperait les importations des pays ne luttant pas contre le changement climatique comme va le faire l’Union avec son paquet « énergie/climat ». De même, Merkel et Sarkozy sont d’accord pour demander que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) soit à l’avenir compétente pour surveiller les aides d’État « excessives » accordées à des entreprises de pays tiers qui faussent la concurrence. En attendant, Berlin et Paris veulent que les Vingt-sept « envisagent des solutions européennes provisoires ». Bref, si l’Union doit demeurer ouverte sur le monde, le temps de la naïveté est passé.
Berlin, longtemps rétive à une politique industrielle à l’échelon européen, même si elle n’a jamais
hésité à la pratiquer à l’échelon national, en accepte désormais le principe : l’Europe « doit favoriser l’émergence d’entreprises européennes puissantes à l’échelle mondiale ». Ce qui passera par une réforme de la politique de concurrence européenne (règles de concentration et d’aides d’État). Merkel et Sarkozy en profitent pour envoyer un avertissement à la Commission : « nous refusons une Europe bureaucratique qui applique mécaniquement des règles tatillonnes et qui se méfie du changement ». Les deux capitales n’ont manifestement pas digéré la partie de bras de fer avec Bruxelles sur leur plan d’aide aux banques… De même, en appelant à une « véritable régulation européenne dans le secteur financier », elles signifient que la Commission Barroso n’a pas été assez loin assez vite.

Paris a dû, de son côté, répéter son engagement à purger ses finances publiques : « nous sommes profondément convaincus que la dette publique actuelle est un fardeau trop lourd pour être laissé aux générations futures. Nous devons retrouver la voie de finances publiques soutenables ». Ce qui va mieux en le disant et qui annonce des hausses d’impôts et des coupes dans les dépenses publiques…
Enfin, pour Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, une Europe puissance passe par une vraie défense commune et par un espace européen clairement identifié : « l’UE a besoin de frontières. Un élargissement illimité n’est pas possible ». Les oreilles d’Ankara, même si la Turquie n’est pas nommément citée, ont dû siffler…