La rumeur courrait depuis plusieurs mois. C’est désormais confirmé : le Premier ministre du
Luxembourg (à gauche sur la photo) va quitter au lendemain des élections législatives de dimanche prochain la présidence de l’Eurogroupe, l’instance qui réunit les seize ministres des Finances de la zone euro, fonction qu’il occupe depuis 2005. Il a annoncé hier soir, selon le quotidien Luxemburger Wort, lors d’un meeting organisé par son parti, le CSV (chrétien social), qu’il ne voulait plus occuper le poste de ministre des Finances qu’il cumule avec celui de chef de gouvernement depuis janvier 1995, un record ! Ce qui revient à renoncer de facto à la présidence de l’Eurogroupe.

Cette fonction avait été créée en 2004, en anticipation du traité constitutionnel européen qui consacrait juridiquement l’existence de cette instance informelle et prévoyait l’élection d’un président pour deux ans et demi renouvelables. Pour ne pas donner l’impression d’aller plus vite que la musique, les États membres avaient alors décidé de limiter ce mandat à deux ans. L’élection de Juncker ne posa aucun problème, pas plus que sa reconduction en septembre 2006. En septembre 2008, il fut confirmé dans ses fonctions pour un troisième mandat, sans grand enthousiasme de sa part. Le vote négatif des Irlandais, en juin 2008, sur le traité de Lisbonne a, en effet, contrarié son ambition de devenir le premier président du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement. C’est donc pour attendre l’entrée en vigueur de Lisbonne, après un nouveau référendum en Irlande prévu pour l’automne 2009, qu’il a accepté de rester en place. Ce qui rendait, au passage, service à ses partenaires, aucun candidat ne s’imposant de façon évidente.

Sa décision est peut-être aussi tactique : en prenant du champ, il se donne la possibilité de préparer un retour gagnant en novembre prochain, si le traité de Lisbonne entre en vigueur. Car, en politique, surtout européenne, six mois c’est une éternité. Après tout, ne présente-t-il pas Luc Frieden, 46 ans, ministre de la justice, du trésor et du budget (pas moins…), qui va hériter du ministère des finances, comme son successeur le plus probable? Bref, une abdication tactique ?
N.B.: selon son entourage, cité ce soir par l’Agence Europe, il serait en fait prêt à rester à la tête de l’Eurogroupe, même sans être ministre des finances. Une manoeuvre délicate: même si les grands argentiers ne sont juridiquement pas tenus d’élire l’un des leurs, seront-ils d’accord pour être dirigés quelqu’un qui n’est pas des leurs, qui plus est un chef de gouvernement? De facto, cela reviendrait à faire de l’Eurogroupe une annexe du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement. S’l s’agissait de Nicolas Sarkozy, au hasard, la question se poserait-elle?
Photos: Thierry Monasse