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Libération
Blog «Coulisses de Bruxelles»

Pourquoi le Conseil européen soutient-il Barroso ?

Tout à l’heure, lors de sa conférence de presse d’après sommet, j’ai demandé au chef de l’État ce qui lui avait plu dans le bilan du président sortant de la Commission au point de le soutenir pour un second mandat de cinq ans. La question était précise, la réponse le fut infiniment moins. « J’ai beaucoup apprécié les six mois qu’il a passés à travailler avec moi comme président du Conseil et je ne suis pas le genre à dire que le succès de la présidence française est uniquement dû à la présidence
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publié le 19 juin 2009 à 19h29
(mis à jour le 16 février 2015 à 16h12)
DSC07320 Tout à l’heure, lors de sa conférence de presse d’après sommet, j’ai demandé au chef de l’État ce qui lui avait plu dans le bilan du président sortant de la Commission au point de le soutenir pour un second mandat de cinq ans. La question était précise, la réponse le fut infiniment moins. « J’ai beaucoup apprécié les six mois qu’il a passés à travailler avec moi comme président du Conseil et je ne suis pas le genre à dire que le succès de la présidence française est uniquement dû à la présidence française. La présidence de la Commission a joué un rôle extrêmement positif. Et lorsqu’il a fallu aller à Washington convaincre le président Bush (d’organiser le sommet du G20 sur la crise financière), M. Barroso était là ». Sentant que c’était un tantinet insuffisant, Nicolas Sarkozy a ajouté : « je ne suis pas seul à le penser, puisque c’est unanime y compris les premiers ministres socialistes autour de la table qui sont quand même nombreux ». Plus tard, il citera les « deux qualités » de Barroso : « il a un grand sens politique et une grande expérience de la marche des affaires européennes et des États nationaux ».
Un service minimum. D’autant qu’immédiatement après, il a taclé le président de la Commission : « je me suis permis de dire au dîner hier que ce soutien ne devait pas être compris comme un message d’immobilisme et que ça devait changer. De ce point de vue, le texte de M. Barroso me semble marquer une inflexion intéressante sur les idées que j’ai entendu défendre jusqu’à présent, y compris sur la nécessité d’une grande politique agricole commune ». Si on décrypte les propos présidentiels, il semble bien dire que Barroso I ne l’a guère satisfait et qu’il attendait de Barroso II un peu plus de volontarisme, entendez une meilleure prise en compte des intérêts franco-allemands…
Bref, rien dans son bilan n’a particulièrement frappé le Président de la République, seuls sa souplesse et son entregent l’ayant séduit… C’est bien là la qualité essentielle de José Manuel Durao Barroso qui explique le soutien unanime du Conseil : il s’est comporté durant cinq ans comme le fidèle exécutant des désidératas des États, proclamant lui-même qu’il était à leur service. Ce qui plait dans Barroso, c’est qu’il ne dérange personne par des initiatives intempestives et aucun pays n’a envie d’un hyperactif à la tête de la Commission. Il reflète l’état de l’Union aujourd’hui : des États qui rechignent à aller plus loin dans l’intégration et qui, sous les coups de boutoir de la crise, sont plutôt tentés de démanteler le marché unique…
Une autre raison du soutien dont jouit Barroso parmi les chefs d’État et de gouvernement est que 20090619 Sommet 05 le candidat du PPE n’a pas d’alternative déclarée, comme l’a souligné Nicolas Sarkozy : « Je n’ai pas vu une solution alternative qui remplirait le même consensus ». J’ai donc lancé, hors micro : « Alain Juppé ». Ce qui a déclenché son hilarité: « si c’est le candidat de Libération,… Ça marche l’ouverture… » Plus sérieusement, « ce n’est pas à la France d’aller rompre le consensus autour de la table ». Le Président a aussi avancé un autre argument : « je ne pense pas que l’Europe a besoin en plus aujourd’hui d’un conflit entre les différentes institutions. Je ne pense pas que c’est ce que les Européens attendent de nous. Il y a du chômage, il y a une crise ». Mais on peut aussi se demander si en période de crise, il ne faudrait pas à l’Union un capitaine capable de voir loin et qui a le courage politique de s’opposer à des États tentés par le chacun-pour-soi.

Photos: JQ et Thierry Monasse