[ en janvier 2008 ]
, alors que les pêcheurs donnaient une nouvelle fois de
la voix afin que la méchante Europe les laisse pêcher sans retenue. Nicolas
Sarkozy les brossait dans le sens des écailles : « l’affaire des
quotas [de pêche], il faut qu’on en sorte. On a une opportunité pour en sortir,
la France va présider l’Union européenne du 1er juillet au
31 décembre. » Depuis, non seulement « on » n’en est pas
« sorti », mais le président de la République vient d’effectuer un
virage sur l’aile à 180 °, jeudi, dans un discours prononcé au Havre sur
la politique maritime de la France : « le temps est venu de fonder la
totalité de nos décisions de gestion des ressources marines sur la base d’avis
scientifiques fiables, indépendants et partagés ». Les scientifiques étant
particulièrement alarmistes pour la quasi-totalité des espèces de poissons,
cela veut donc dire un renforcement des quotas, voire une interdiction totale
de pêcher certaines espèces. « C’est parce que nous voulons que la pêche
vive que nous allons refuser de laisser disparaître les ressources naturelles
de la mer », a-t-il martelé à plusieurs reprises. Comme il l’a reconnu,
« c’est une rupture fondamentale que je vous propose ». À tout le
moins, une « rupture fondamentale » avec son discours d’il y a un an
et demi…
Première
application de cette nouvelle politique: la France va soutenir la demande
d’interdiction de toute pêche au thon rouge en Méditerranée, car « la
menace qui pèse sur le thon rouge ne peut plus être ignorée ». Voilà un
beau désaveu pour Michel Barnier, son ancien ministre de l’agriculture devenu député
européen, qui m’expliquait en juillet dernier, qu’il ne « comprenait
pas » pourquoi la Commission avait fermé plus tôt que prévu la pêche au
thon rouge. Voilà qui devrait sonner le glas des 36 thoniers-senneurs français.
Seconde
application : la France va négocier la réforme de la politique commune de
la pêche en appuyant les avis scientifiques, elle qui considérait jusque-là que
seuls les pêcheurs savaient ce qui était bon pour eux. Troisième
application : l’espace maritime protégé de la France, qui permet de garantir
la biodiversité marine, va passer de 1% aujourd’hui à 10 % en 2012 et à
20 % en 2020, soit 2 millions de km2.
On ne peut que se réjouir de cette prise de conscience à laquelle le bon score des verts lors des élections européennes n’est sans doute pas totalement étranger. Mais les pêcheurs risquent de ne pas apprécier : Nicolas Sarkozy tiendra-t-il le cap en cas de mouvements sociaux prolongés ?