Si les socialistes européens portent, par leurs divisions,
une responsabilité indéniable dans la
réélection du conservateur José Manuel
Durao Barroso à la tête de la Commission, certains sont plus coupables que
d’autres dans ce fiasco historique. En l’occurrence, Barroso peut remercier les
21 députés espagnols (PSOE) et les 7 portugais. Il l’a d’ailleurs fait en
rendant hommage, après son investiture, à José Socrates, le premier ministre
socialiste portugais. De fait, si Lisbonne n’avait pas présenté sa candidature,
l’ancien premier ministre conservateur portugais serait désormais à la
retraite.

Pourquoi Socrates a-t-il soutenu un homme qu’il n’a
cessé de combattre dans son pays et qui est à l’exact opposé de ce qu’il défend ?
Non pas, comme je l’ai longtemps entendu dire, pour l’empêcher de revenir sur
la scène politique nationale, Barroso n’étant plus rien au Portugal, mais par
nationalisme : un Portugais soutient un Portugais, point. « Il est
tellement pratique pour Socrates d’avoir un accès direct et en portugais au
président de la Commission », explique ainsi l’une de mes consœurs
lusitanienne.
Côté espagnol, les raisons de ce soutien contre nature sont
tout aussi pathétiques : José Luis Zapatero, le premier ministre
socialiste, a avancé une soi-disant « solidarité ibérique » dont on pourra
rechercher vainement une quelconque trace historique, l’affrontement ou
l’indifférence étant plutôt la marque des relations entre l’Espagne et le
Portugal. Hier, il fallait entendre l’eurodéputé PSOE Juan Fernando Lopez
Aguillar essayait de justifier l’injustifiable devant la presse : outre la
« solidarité ibérique », il a utilisé un second argument. « Vous
comprenez », a-t-il dit en substance, « le 1er janvier
prochain, l’Espagne exercera la présidence de l’Union européenne et il est de
son intérêt d’avoir une Commission en ordre de marche à ce moment. Il n’était
pas dans l’intérêt de l’Espagne de maintenir l’incertitude ».

Ce retour du national, néanmoins, est variable selon les
pays. Ainsi, les travaillistes britanniques ont refusé de voter pour Barroso,
comme l’exigeait le gouvernement de Gordon Brown : pour eux, les
convictions idéologiques passent avant l’intérêt national, contrairement à ce
que l’on a tendance à croire en France. « On a été très surpris de leur
résistance », reconnaît un diplomate britannique. De même, jamais les
socialistes français n’auraient voté pour un candidat français de droite :
« voter pour François Fillon s’il avait été candidat ?
Jamais ! », s’écrient ainsi en cœur Catherine Trautman et Henri
Weber. Néanmoins, même au sein du PSOE et du PSP, il existe encore des hommes
et des femmes de conviction : en dépit des risques de rétorsions, selon
mes informations, 5 Espagnols et au moins 2 Portugais ont osé s’abstenir…
Cet
épisode montre, en tout cas, que la « famille » socialiste européenne
n’existe plus : un minimum de clarification s’impose, la rupture étant
intervenue sur un point majeur, celui de l’élection de l’exécutif.