
Ensuite, il peut y avoir
plusieurs lois nationales applicables à chaque élément de la succession :
par exemple, un juge français, en vertu de sa règle de « conflit de
lois », appliquera la loi française (y compris la désignation des
héritiers et la part qui revient à chacun) si le défunt, même étranger et
domicilié à l’étranger, possédait un bien immobilier en France. Les autres
biens immobiliers relèveront, eux, de la loi du pays dans lequel ils sont
situés… Pour les biens non immobiliers (biens meubles), la France a décidé que
la loi applicable sera celle du dernier domicile.
Pour compliquer le tout,
plusieurs lois successorales peuvent se considérer comme compétentes, si les
héritiers saisissent plusieurs juges dans différents pays, chaque Etat ayant son propre système de conflit de lois pour
déterminer le juge compétent et la loi applicable à une succession. Il faudra aussi faire la preuve
de sa qualité d’héritier selon la loi successorale compétente et les actes
passés dans chaque pays ne seront pas reconnus automatiquement par l’ensemble
des pays. Simple, non ? Au final, une succession internationale peut finir
par coûter très cher et durer très longtemps…
Dans une Union européenne sans frontière, les successions
internationales sont de plus en plus
nombreuses. Selon la Commission, 450.000
successions de ce type sont ouvertes chaque année dans l’Union pour un montant
financier de 120 milliards d’euros. Une paille. Pour simplifier cet imbroglio,
elle propose, dans un règlement communautaire qui devra être adopté à la
majorité qualifiée par les Vingt-sept, que le juge compétent pour toutes les
successions ouvertes dans l’Union, soit toujours celui du domicile du défunt. Surtout, une seule loi sera compétente
pour régler l’ensemble de la succession : ce sera celle du domicile ou, si
le défunt l’a décidé par testament, la loi de sa nationalité. Mieux : un
« certificat successoral européen » qui établira la qualité
d’héritier aux yeux de tous les juges européens verra aussi le jour.

Mais cette
harmonisation de la règle de conflit de lois n’aura aucun effet en matière
fiscale : si un résident français hérite d’un bien même situé à
l’étranger, il devra normalement payer les droits de succession en France, sauf
convention de double imposition.
Ce type d’harmonisation touchant cette matière que l’on appelle le droit international privé n’est pas nouveau. La conférence de La Haye pond régulièrement des conventions internationales. Ainsi, dans le domaine successoral, il existe une convention de La Haye du 1er août 1989 qui n’est toujours pas entrée en vigueur et qui prévoit que chacun peut désigner la loi applicable à sa succession de son vivant, une solution que le projet de réglement communautaire ne reprend pas à son compte. Chaque pays a donc gardé son propre système: en France, il est «issue d’une jurisprudence dont les racines sont extrêmement anciennes», comme le rappellent Marie-Laure Niboyet et Géraud de Geouffre de La Pradelle («Droit international privé», LGDJ, 2e édition).
<span>Avec ce nouveau projet de réglement, l'Union se dote petit à petit d'un «droit international privé communautaire». <a href="http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2007/02/02/ne_dites_pas_ma/">Ce qui désespère les juristes les plus souverainistes désolés de voir «leur» matière leur échapper.</a>..</span>
Photos: Six feet under