On peut voir ça comme une bonne nouvelle : contre toute attente, l’Allemagne a adopté une
stratégie de sortie de crise « à la française », ce qui ne pourra que renforcer le couple franco-allemand. En décidant de baisser les impôts de 24 milliards d’euros par an à partir de 2011 (alors que sa pression fiscale est inférieure de 4 points à celle de la France, à 39,5 % du PIB), sans compenser ce cadeau par des coupes dans les dépenses publiques, la coalition CDU-CSU/FDP a clairement enterré toute perspective de retour à l’équilibre avant 2014, au moins. La France n’a pas caché sa joie : Nicolas Sarkozy s’est immédiatement « réjoui » que l’Allemagne ait fait le « même choix » que lui en matière de baisse d’impôts.

Ce choix, rendu public le 24 octobre, est pour le moins curieux alors que l’Allemagne a voté en juin dernier un amendement constitutionnel prévoyant qu’à partir de 2016, le déficit public devrait être limité à -0,35 % du PIB sur la durée d’un cycle économique… La chancelière Angela Merkel a expliqué que la stimulation de la croissance par le biais de la fiscalité et de la politique familiale serait son objectif prioritaire durant la prochaine législature : « il n’y a pas de garantie que ce plan fonctionne, mais il y a une chance. Je ne vois aucune chance si nous nous contentons d’économiser ». Autrement dit, Berlin refuse de résorber son déficit et donc sa dette, avant que la croissance ne soit de nouveau solidement installée.
À la faveur de la crise sans précédent que traverse le monde occidental, la France a donc réussi à exporter sa culture de déséquilibre des comptes publics alors que l’Allemagne escomptait imposer sa culture de stabilité grâce à l’euro… La crise, à défaut de déboucher sur la réforme du capitalisme, a juste eu la peau des critères de Maastricht et du Pacte de stabilité. Tous mauvais élèves !, est désormais le mot d’ordre. Et pourquoi se priver puisque l’euro est plus solide que jamais, que les marchés ont un appétit vorace pour la dette d’État et que les États-Unis et le Japon suivent le même chemin ?

Quoi qu’il en soit, cette convergence dans la fuite en avant va éviter une crise franco-allemande qui aurait menacé l’existence de la zone euro. La Commission et la Banque centrale européenne seront, comme en 2005, lorsque Paris et Berlin avaient déjà choisi de violer ensemble le Pacte de stabilité, totalement démunis. Désormais, on marche main dans la main de part et d’autre du Rhin. Pour le meilleur ou pour le pire.
Photo: Thierry Monasse