
Mes confrères d’Eurointelligence – à qui j’ai emprunté le titre de ce billet - se sont emportés contre ce laisser-aller, accusant la Fed d’alimenter le carry-trade (emprunt dans une monnaie peu rémunérée pour acheter une monnaie mieux rémunérée) et autres opérations spéculatives que mènent actuellement les banques pour se refaire une santé, ce qui créé de nouvelles bulles, comme le montre la remontée rapide de leurs bénéfices (et des bonus) et l’euphorie qui s’est emparée des places boursières. Or, on sait comment l’histoire se termine lorsque les bulles éclatent.
Cette politique, qui rappelle celle qu’a menée Alan Greenspan, même si elle est plus justifiée
aujourd’hui par la fragilité de la conjoncture économique, doit être comparée à celle de la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci, qui a toujours tenu compte, pour décider de sa politique de taux, de la croissance de la masse monétaire M3 (l’ensemble des liquidités qui peuvent se déverser rapidement dans l’économie, voir mon article ici), a annoncé aujourd’hui qu’elle n’allait pas tarder à mettre fin à ses mesures non conventionnelles qui n’ont pourtant jamais eu l’ampleur américaine et britannique : «pour l’avenir, compte tenu de l’amélioration de la situation sur les marchés financiers, toutes nos mesures en matière de liquidité ne devront pas nécessairement présenter la même amploeur que par le passé», a prévenu Jean-Claude Trichet, son président. «Par conséquent, le conseil des gouverneurs veillera à ce que les mesures exceptionnelles d’apport de liquidité qui ont été prises soient dénouées en temps opportun et de façon progressive et la liquidité fournie absorbée, afin de contrer efficacement toute menace pesant sur la stabilité des prix». Trichet, a, en particulier, cité les prêts aux banques à un an qui ont permis d’injecter des liquidités dans un système bancaire grippé, de faire baisser les taux d’intérêt interbancaires et donc le taux de crédit aux entreprises et aux ménages.

On n’en est pas encore au relèvement des taux d’intérêt de la BCE, mais on s’en approche, comme je vous l’annonçais hier. La BCE considère donc que trop de liquidités sont dans le système (elle le pensait avant la crise, d’où le relèvement de son taux directeur, si décrié, en juillet 2008) et que le danger de nouvelles bulles est bel et bien présent. Au titre des «inquiétudes» pour la croissance, Trichet a d’ailleurs cité «des interactions négatives plus fortes ou de plus longue durée entre l’économie réelle et le secteur financier». Le problème est qu’elle ne peut à elle seule contrôler la liquidité mondiale. La Réserve fédérale entendra-t-elle le message que vient de lui envoyer Francfort ? Le passé récent n’incite pas à l’optimisme.